vendredi 30 mai 2008

Marchand d'age

free music

Je m'octroie, d'un seul clac, le porte-containers
qui coulait en mon sang, globule entre mes tempes,
jusqu'à ce chapeau, claque où siffleurs contraignèrent
le saoul rire indécent de l'acier que l'on trempe.

Il charriait, épicées, les musiques d'hier,
et les puants engrais de nos espoirs déçus,
comme mes reins brisés, de sa coque égoutière,
des cargaisons fuyaient, qu'on ramasse au chalut.

Pourtant, de Capricorne en tropique éphémère,
maïeutiques cancers tatoués à nos peaux,
bien plus loin que l'Elorn, Brest et son Finistère,
j'ai vogué de concert avec d'autres bateaux.

J'ai vendu pour deux fous, la détresse ordinaire,
et troqué baladins pour le prix d'une lampe,
quoi qu'éclaire le mou dans le poids d'une aussière,
les amarres sont loin quand on est sur un tramp !

La fortune imprévue, qu'on dit "gentilhommière",
a brassé mon mektoub d'opulents oripeaux,
m'excusant d'être nu d'usage et de manières,
mais laissant à mon trouble un commerce nouveau :

distribuant à chacun longitude et frontière,
et selon lattitude, lorsque l'aplasie mue,
au nadir de leur sein, l'age de leurs artères,
j'ai rompu corps de rude à grand vers de cigüe !

Marchand d'age et d'histoire, aux comptoirs des yeux verts,
apatride de coeur, cambrioleur d'estampes,
regarder n'est pas voir, la leçon n'est amère
qu'à l'aorte en douleur, qu'au vaisseau que l'on clampe.

Mais au cargo fantôme où mon âme s'enferre,
jusque dans sa machine étouffante et déchue,
il n'est pas un atome embastillé d'enfer,
que ta main ne dessine à tes heures perdues.

Et, voguant au hasard de capricieuses mers,
d'incontinents courants qui m'édictent leurs mots,
je médite au sonar des pensées baleinières :
d'un maudit bic, j'épands celles de mon cerveau...

Ne sont que paquebots, minéraliers, minéralières,
à ne pouvoir rêver des libertés des tramps,
puis un jour, deux hublots, sur l'eau couleur vipère,
font choix d'abandonner les positions qu'ils campent.

vendredi 23 mai 2008

Fleur de pavé

free music


Coquelicots au vent, mes secondes s'effeuillent,
et mes lettres d'amant, en mots dits, s'emmerveillent,
lorsque ta main se pose ainsi sur mon cercueil,
et que ma quille explose en ta bouche vermeille.

De la pointe d'un sein comme il est d'un pistil,
d'étamines enceint par la douce aréole,
j'effleure le parfum que ta peau me distille,
quand de tes bras, enfin, je ressens la corolle.

Et la rue, salissure, au doux soleil de mai,
seule issue, s'il est sûr que poussent dans la merde
les idées et les plants, dont elle est seul engrais,
nous a faits survivants pour autant qu'on s'y perde.

De nos corps allongés, nous faisons barricades,
révolutions manquées de nos deux dictatures,
nous n'avons que baisers et fébriles saccades,
pour nous mettre en danger de ce que rien ne dure.

Si, de mes poésies, en nos beaux draps froissés,
tout comme l'est le lit où je lui lis les lais,
nous croquons la cerise de lèvres blessées,
nos belles aubes grises, Verlaine m'en parlait...

Mais le rêve, aux fluxions de nos intimités,
me laisse l'émotion de ma fleur de pavot,
de ma fleur de pavé, de ma fleur pavacée,
la rue qu'on pave assez m'en a fait le cadeau !

mardi 20 mai 2008

Orphelins

Nous naissons pour finir tous, un jour, orphelins,
d'une mère ou d'un père, ayant lâché la main,
ou bien même des deux, c'est dans l'ordre des choses,
puisque la vie ne dure un rien plus que les roses.




Mais certains que le sort, en coquin, vient frapper,
voient le doigt de la mort, avant l'heure arriver
sur le front de celui qu'on croyait protecteur,
ou de celle où nos nuits s'emberçaient dans nos pleurs.




Oh ! Bien sûr, pour partir, il est toujours trop tôt !
Mais avouez, sans mentir, être enfant ou ado,
ou même jeune adulte, au monde on ne sait rien,
on part vite en culbute hors l'amour qui nous tient.




C'est le début de deux des romans de Dickens,
des sombres odyssées d'un penny ou deux pence,
perdu comme on l'est là, dans les forêts obscures,
chaperons rouges de honte et dont nul n'a cure...




Ils en font des erreurs sur leur pauvre chemin,
oubliant leur douleur pour y penser demain,
mais jamais n'est pansée cette plaie suppurante
qu'ils cherchent à cacher à la vie soupirante.




Bâtissant des châteaux en pays de Cocagne,
puisque nul n'indiquait que suffisait l'Espagne,
ils s'exposent aux vents des soufflets qui écartent
les remparts vacillant de leurs châteaux de cartes.




Alors, si tout retombe, et que diable l'emporte,
oh, jusque dans la tombe où sont ceux qui importent,
on retiendra leçon d'un échec évitable,
car tout choît dans le son de deux poings sur la table !



Ce sont des gens que la fragilité rend durs,
il faut savoir qu'eux seuls savent ce qu'ils endurent ;
ce sont des gens perdus, mais trop fiers pour crier
"au secours, que l'on m'aide ou je vais me noyer !"




Et leur carte du tendre est pétrie de montagnes,
d'infranchissables cols et d'innombrables bagnes,
c'est pour ça qu'on découvre souvent un matin,
une orpheline au bras de son bel orphelin.


free music

dimanche 11 mai 2008

la faim du tigre




Je vois briller

des constellations de miroirs

dans les yeux

ténébreux,

prédateurs,

du chasseur

à la recherche du grand soir

éparpillé.

Et parmi ces myriades,

ces éclats de cristaux,

d'opaline ou de jade,

plantés, tels des poteaux,

des totems funéraires,

--------------------------dans son iris, ô fleur

---------------------------------------------------de la pupille ouverte,

les flambées délétères

---------------------de l'envie où l'on pleure

------------------------------------------de larmes bleues ou vertes.

Le fauve est arpenteur,

---------------------------que sa faim justifie,

----------------------------------------------même faim que l'agneau,

dans ce bois constricteur,

-----------------------------que l'on y sacrifie,

----------------------------------------------soucieux de son cerveau.

Les fleuves sont foison,

--------------------------------fourmillant dans la jungle

------------------------------------------------------------------des remords,

rendant l'écho de sons,

-------------------------------tas de têtes d'épingles

-------------------------------------------------------------ou de mort.

Et le rugissement,

----------lentement,

------------------------se répand à l'aurore

d'un boréal horaire,

---------dont l'araire

-------------------------laboure le décor.

Lacéré

---------comme un frêre,

------------------------------le tigre (et ses zébrures)

s'est terré

------------comme il erre

------------------------------entre les conjectures :

il est nanti

--------------de cette absurde vanité

---------------------------------------------d'être capable

de jouer sa vie

d'un coup de sang, d'un coup de dé

-----------------------------------------------inexorable !

Dans l'incapacité des sens,

---------------------------non pas ce qu'ils procurent,

---------------------------------------------------------------mais limitent,

le tigre cède à l'indécence,

-----------------------------------et simple déchirure :

--------------------------------------------------------------il s'imite !

Il reproduit ses chasses et les mêmes erreurs,

provoque, endure et perdure aux pires douleurs !

Filles d'Eve et garçons d'Adam,

------------------------------------------êtes-vous donc,

vous aussi, ces tigres-enfants,

-----------------------------------------dont le seul don

n'est que de s'enchairir sans chêrir et sans noms ?

Etes-vous le creuset des pauvres religions ?

Celui où l'on recueille, ô scarification,

le sang des vierges maculées d'un chorion ?

Faites-vous de vos beautés, l'abandon

mélodique, et la tragédie pour diapason ?

La quête vraie n'appartient pas à nos réels,

pas à nos goûts,

----------------------ce qu'enveloppent, corporels,

ces fins dégoûts

----------------------que nos babines détroussèrent ;

repus, les crocs, de tous ces sexes qu'ils troussèrent,

n'ont jamais su saisir l'instant de l'éphémère,

ni plus qu'un enfant ne saurait vider la mer.
free music

mercredi 7 mai 2008

Les amours inconstantes


Noir Desir - A L'Arrière Des Taxis par larsen42


Il y eut Lili Brik,

-----------------------et quelques autres,

--------------------------------------------------ensuite...

Mais de ce qu'on fabrique,

-------------------------des soucis nôtres

--------------------------------------------------en fuite

en avant, en arrière-

----------------------------plan de l'amour

--------------------------------------------------qui hante,

nous gardons marque au fer

-------------------------de quelques jours :

---------------------------------------------------l'Amante.

Tatiana Alekseïevna Yakovleva

n'y put rien :

------------------son mariage

-----------------------------------aux orties,

--------------------------------------------------tout sombra !

Lili, tiens !

---------------Sans ambages,

------------------------------------vilénie,

-----------------------------------------------l'empècha !

Finir avec Veronika Polonskaïa...

Mais ne jamais

---------------------se départir

------------------------------------de ce fantôme,

--------------------------------------------------------ô spectre doux,

qu'on parcourait

---------comme on peut lire,

-----------------------------en pusieurs tomes,

-------------------------------------------------des doigts, du bout,

le braille épidermique et criard de l'horizon d'un corps,

dont on voudrait ne plus jamais vouloir encore.

Et les caveaux,

les caniveaux,

--------------------sur le chemin,

-----------------coulent sans fin

---------------------------------------vers les abysses

-------------------------------------d'un entre-cuisse

qui n'a plus de saveur

-----------------ni d'odeur,

--------------------------------ni d'ego,

ni plus d'archi-texture

----------qu'aux lectures

--------------------------------de ces mots.

Pourvu qu'aucunement, las, on ne se contente

de cette succession qui nous met balle au coeur ;

sans l'oubli, nous vivrons des amours inconstantes,

tandis qu'à nos levants, sont des soleils meilleurs.