mardi 29 septembre 2009

L'assassin Michel



à mes deux demi-terres,


Si l'on tue « Je », « Nous », « Vous », « Ils », qui sont autant « d'Autres »,
à quoi bon rendez-vous de sa moitié à l'autre ?
Est-il donc d'elles deux, utile de tresser
tant de palmes aux dieux que l'on put psalmodier ?

Il fut tant d'eau céans et tant d'ouvertes portes,
d'écume d'océan recouvrant ma mer morte,
que je fus le tombeau de cette mise en bière,
dont je me servais brocs pour mes deux hémisphères.

Rappelle-toi de Pont-Croix et de son fol estuaire,
de ton chemin de croix en ce mort Finistère...
Rappelle-toi d'Audierne et des sables brûlants,
de ses riches tavernes en leur rythme lent !

Rappelle-toi Michel, du tissu de la nuit,
de ses mains et des ciels étoilant Pont-de-Buis !
Rappelle-toi aussi des automnes sans fin
et des pluies de soucis grêlotant sur ta faim...

Rappelle-toi des feux de ta baie préférée
où, descendu des cieux, Dieu s'est vu enferré !
Rappelle-toi l'enfer érubescent des soirs
sur Sainte-Anne, la mer et tout ton désespoir...

Je pars,
---------vers l'autre demi-terre de ma vie,
La part
---------restant à mon songe de Paris...

Y verrai-je Montmartre, y verrai-je mon meurtre ?
Y serai-je la dartre où mes rimes se heurtent ?
Des cerises fleurir sous les chœurs des clochers,
qu'un pigeon de jaunir n'a de cesse à les chier ?

Si des vains écrivains il fallut tant de glottes,
que léchassent enfin tes rumeurs polyglottes,
souviens-toi, ô Paris, de l'errance des tiens
dans tes rues, des paris de ces fous parisiens !

Nous vivions l'incrément des mots en leur décharge,
publics, rhumatismant, baveux, depuis la marge
jusqu'aux lèvres rubis que nos créations rêvent,
et nos plèvres punies par les toux dont on crève...

Grand Paris, gai Paris, hémistiche insensé
où les sons se marient aux passants impensés,
tu méprises nos odes aussi, là c'est sûr,
d'un peuple myriapode ignorant nos césures.

Si tu t'es contenu dans le globe neigeux
d'un verre abscons ténu, pour en déjouer le jeu,
tel un dôme hyper-rond sur le Mont-Saint-Michel,
accueille en ton giron ton assassin Michel !

2 commentaires:

Morgan a dit…

La forme est magnifique ! Hier, en découvrant ton texte, je n'avais pas prêté attention à cette sorte de césure en son milieu qui sépare franchement, en cinq quatrains de part et d'autre, tes demi-terres. C'est du grand art !

le bagnard a dit…

Michel, ange guerrier, qui, avec foi et loi, va au conflit avec son coeur de poète dans un Paris, ville battante tel un coeur, quittant son bout du monde dont il gardera en souvenir ses humeurs cavalières.