lundi 30 novembre 2009

Fantaisies








Leur siècle les fit naître ensemble,
en trois endroits non cardinaux,
quoiqu'il en soit ou qu'il en semble
des nombres qu'on dit ordinaux,
d'un premier, second, d'un troisième,
faut-il échoir à la personne
un rang d'oignon lacrymogène ?
Liszt et Chopin et Mendelssohn.

Sur la fratrie des grands génies
qui ont peuplé l'humanité
de tant d'accords et d'harmonies
faut-il songer aux vanités ?
De ces jumeaux de Jupiter,
faut-il cacher la cuisse où sonne
un voile, et qu'une jupe y terre ?
Liszt et Chopin et Mendelssohn.

J'ai parfois pensé le piano
sans l'avoir jamais pratiqué,
sur un visage et des yeux clos
récitant de Si de La, clefs
de Sol aux phrasés étriqués,
un de mes vers qui sonne "automne",
Beethove et son laps surdité...
Liszt et Chopin et Mendelssohn.

La beauté s'écrit, se compose
sur les claviers de nos regards,
comme novembre décompose
les lettres des nouvelles gares...
Et les notes qui les épèlent
comme un fruit dont la chair étonne,
nous laisse penser la vie belle :
Liszt et Chopin et Mendelssohn.

vendredi 27 novembre 2009

L'impromptu



Impromptu ? Ce n'est pas improvisé, mais c'est
- quoique nous l'eussions su - un cheval sur la langue
- ou sur la soupe -, un pas de plus à reverser
à nos idées reçues pour être moins exsangues.

Je reste fasciné par les accords tritons
des musiques de Liszt, et par les palindromes,
qui si bien renversés redondent ce qu'ils sont,
tels tant de mes versets servant un tel syndrome...

Être à l'envers soi-même et l'inverse de soi,
en une seule piste, être un disque à deux faces,
un double requiem ornementé de soie,
de notes dessinées pour que rien ne s'efface...

Mais il y a l'impromptu qui surgit dans nos vies
et bafoue la routine à laquelle on se tient,
l'impromptu tant obtus que soudain l'on dévie
aux courbes serpentines de l'onde Chopin.

Récemment l'on m'a dit que ça fait des spirales
tout autour de la note où le flux se déverse,
comme nomomanies à nos nomades râles
dont pleurer ne dénote aucune franche averse.

Une petite bruine, à la la limite, à Brest,
Barbara, barbe à ras, Barbe-bleue, Barbe-torte,
et quelque sombre ruine où mots de Nothomb restent
à ma pointe du Raz, ses trépassés en sorte...

Les mêmes tours se font autour de notre fond,
qu'ils soient tours de magie ou qu'ils soient tours de garde,
nous nous entrelaçons lascifs ou las glaçons
autour des nostalgies dont notre âme se farde !

Mais l'impromptu prépare à son tour un chemin
que nul n'avait prévu ni nul n'avait rêvé,
où tout est un départ vers ces nouveaux demains
dont nulle longue-vue ne vit les cieux crevés.

jeudi 26 novembre 2009

Triton



Du Triton sont des sens et des métamorphoses
et cette étrange essence – à se la battre à sienne -
de braises où Cendrars s'en remet au Formose
afin de rendre en cendre arts et virées amphibiennes.

Le Triton vert et noir, ou l'accord en trois tons,
ne subit l'urinoir que de nos pis aller :
pour changer il faut croire à demain - y croit-on ? -
ne cesser de s'accroire aux disciples zélés.

D'un Triton deux couleurs, oh, me sont attachées,
et d'un son du coup l'heur à mon oreille frappe ;
seraient-elles de Faust, ô nos mues entachées ?

D'un Triton d'holocauste ou déraisons en grappe ?
Peu importe au final où le piano de Liszt,
moi m'emporte idéal, à son diable et sa liste...



lundi 23 novembre 2009

L'Ode au Cheval-vapeur


Je vais vous chanter ici
l'Ode au Cheval-vapeur
triomphal
cliquetis
l'eau d'horizons moteurs
la machine à Papin
à pépins
tel un quidam des temps modernes
chevalier sans adoubement
autre
que les milliers de kilomètres
- quelle eau mettre
ou quelle essence rare
quelle huile sainte
ou quel gaz au lignes
traces pneumatiques
de mon essoufflement phtisique
(tousse tousse, ô mon beau destrier quadri-rotulien !)
quel avoine entropique usant les calottes polaires ? -
et que les détours de compteurs
auxquels nos existences nous conduisent plus sûrement
que nous-mêmes au volant.

Je vais vous chanter l'histoire d'un univers que le taylorisme et Ford ont changé
l'histoire de crapahuts personnels
et de la grappe à « hue ! » que je fis aux montures
de nouvelles lunettes sur le monde
que d'aucuns nomment « voitures » :
celles que j'usais furent blanches
comme pour chasser des noirceurs
et fuir la chute de ma maison du cher
en collectionnant des reçus de cartes bancaires
pompes
- funèbres pompes pour mon compte en banque ! -
automates d'autoroutes autonomes et automnales
- tout est prévu pour que ne résiste aux mots que l' « auto » !-
en évitant les radars comme un slalomeur de haut-vol
en aimant à coups d'essuie-glaces
sur les pare-brise de mon cœur
mes enfants d'abord
des femmes ensuite
car « les femmes et les enfants d'abord ! » n'est pas proféré dans le bon ordre
(on le sait quand on a fait naufrage)
des odyssées récurrentes
des triangulations de l'Hexagone
- à part courir, que fait-on ? -
et des envolées telluriques
vers des cratères acariâtres
et des embarquements pour Cythère
car nos amours sont opiniâtres...
Parfois
Il m'est arrivé de me demander si
l'accélérateur n'était pas devenu un diverticule de mon pied droit
comme un greffon
un prolongement de l'être physique
un amalgame à la Giger
mi-homme et mi-machine
autoradio actif
et le levier de vitesse un troisième segment de mon bras
le ronronnement du diesel
un écho de ma respiration jusque dans mon sommeil
et la bonne marche de l'ensemble
une excuse à mes déperditions biologiques.
Un jour
je me suis transféré dans l'âme d'une automobile
et je n'ai plus su qu'exister
au sein d'un crime sans mobile :
au sein de l'instrument le plus meurtrier de la création
de la création de l'Homme
un Frankenstein industriel
Christine
une voiture vivante au lieu de soi...
Il y a une explication à cela.

Rouler
rouler mithridatise les poisons qu'on vous inocule !
En roulant
les pressions sur la poitrine pèsent moins
rouler, c'est dérouler
les paysages sont un film qui cherche à vous détourner de votre psychodrame
un film imprévisible
un film à la plastique irréprochable
enveloppant sous cellophane les éléments qui sont à conserver
et laissant au hasard ce qui peut advenir ensuite
rouler
c'est recommencer à vivre
se laisser à la bienvenue des champs qu'on n'écrit pas
se bercer d'un ronron utérin au sein d'une coque dure
et renaître à chaque fois que l'on en sort
ailleurs
en des lieux pétris de bonne ou de mauvaise fortune
- le miracle du marin qui débarque -
simplement parce que l'on se retrouve dans l'inconnu
lors que le connu nous fait souffrir
rouler sa bosse
« touchez ma bosse Monseigneur ! »
nous sommes souvent les bossus de nos vies
ça porte bonheur
normal !
Personne ne souhaite être bossu de la vie...
Pourtant, tant le sont...
En roulant, on aime bien les bosses
elles confèrent un supplément d'apesanteur
l'espace d'un instant
et dans dans le sentiment d'apesanteur
on cesse de s'appesantir
on rebondit
on survit
on voit
la Terre
d'un œil glauque
rétroviseur
des mares
des j'en ai marre
des flaques d'huile amassées
des lacs de larmes constitués
par les barrages du non-dit
on part
on change de galaxie
on explore des super-nova
tout nous va !
Rouler
rouler bien c'est rouler en lenteur
comme la tortue de la fable
sans jamais s'arrêter
rouler sans pause
faire pipi dans son crâne
et ignorer la faim
puisque tous ignorent la fin
c'est écrire sur le parchemin des routes
ce que l'on croit que nul avant nous ne posa
une litanie splendide
de questionnements
de réponses
de contradictions
et la beauté des décors qui nous la suggère
tant nous sommes de petites choses errant de-ci de-là, à la vindicte de nos mauvais horaires
des trains ratés
qui nous font harnacher les chevaux-vapeurs de voitures épuisées.
Rouler bien n'est pas rouler vite
c'est user du temps que l'on y passe comme de deux parenthèses
pour l'oublier précisément
à l'américaine
road 66
où les shérifs fréquentent des homards
et Jack Kerouac
dont les ancêtres sont du Huelgoat
ici, tout près de chez moi
et son chaos granitiques de rocs immenses jetés les uns sur les autres comme des pneus un jour de grève des routiers
rouler bien
c'est coller à la route et s'envoler dans l'imaginaire
pareil à nier notre mortalité
et les dangers que l'on encourt au volant
c'est forclore les angoisses du voyage
et vivre le changement de dimension du siècle du mouvement insensé que fut le vingtième.

Avant ?
Avant, on se mariait au sein du même village
ou bien, juste explorateur, déjà
avec un rejeton maudit du village voisin.
Après ?
Après, on apprit l'existence des congés payés
et des embouteillages
on apprit que le monde n'est pas plus loin que le nez d'un cabriolet
et que le patachon
qui conduisait Chopin à sa maîtresse
faisant fi de sa vie personnelle
- la fameuse vie de patachon -
était le Vincent Van Gogh d'un art de vivre moderne
le Maïakovski des escaliers mécaniques
et le Picasso des perspectives hauturières
et des noblesses roturières
sans adoubement autre
qu'une écharpe de bitume sur l'épaule
lourd fardeau du fardier de Cugnot
pesant héritage où se blessent nos cœurs
dans d'étranges voyages
dans d'étranges circuits
sur de moins étranges répétitions de parcours
au gré d'un vent issu de l'accroissement des gaz à effet de serre
rapace inéluctable
nous guettant de son aire viciée.
Avant ?
Avant, nos frontières n'étaient que des vues de l'esprit
- à moins d'être frontalier -
le monde mesurait trente kilomètres
seuls les marins
grands oiseaux des mers mythiques
échappaient au commun des vivants
l'Homme connaissait son prochain de proche en proche
- d'où ce terme de « prochain » -
et laissait au Marin le rêve de l'ailleurs
et du fameux Eden où tout est meilleur
les vaches galopaient ici
les gazelles sûrement aussi
mais dans le vacarme assourdi des livres de classe et des récits de Stanley
de Livingstone ou de Charcot
mêlées aux phoques et à l'ours
à la grande Ourse
au ciel pour point de référence
du berger
au Marin
et des étoiles dominatrices
du sextant
avant que n'arrive un GPS
Grande Peine Sulfateuse
jusque sur un tableau de bord
de bord ?
A bord des vaisseaux pneumatiques
des bâtiments précaires de nos pérégrinations quotidiennes
des chevaux qu'un fisc confisque à leur vapeur
pour fixer des taxes nouvelles
et des limites à ce qui ne devait en avoir...

Après ?
Après tout fut question de ces limites :
vitesse
alcool
limite d'age
dans un sens et dans l'autre
limiter l'illimité
consommation
d'essence
deux verres d'essence
limite du nombre de morts
deux bières par jour ?
La flûte de Pan dort sur ses deux oreilles
(air-bags d'un côté et de l'autre)
et la place du Maure
corse le tout
tandis que les banlieues ceinturent d'insécurité
notre vision périphérique...
Les voies prennent des noms poétiques :
la Francilienne !
C'est si beau !
Je ne peux pas même imaginer qu'y eut pensé Rimbaud :
une ceinture de chasteté sur la plus belle cité de la création !
Paris a mis sa Francilienne autour de la taille
afin que nul ne viole son vagin des voies sur berges.
C'est une vraie chanson de geste
de gestes malsains
de doigts tendus
de bretelles détendues par des mains souveraines au carrefours de la ville-lumière
d'illusions défroquées par des Bibles, des Evangiles ou des Corans
qui font que nous courrons
enfin que nous roulons.
Après, advint mon histoire
mon chemin
les heures qu'il me vient parfois à conter
et dont je ne troquerai pas la moindre seconde
tant ce procédé fut le mien
pour trouver un chemin dépassant les numéros des routes
et le cinéma des relations défuntes
les pièces mélodramatiques qui se jouent sur font bleu-marine
et l'obole des amours suivantes.
Et la grande aventure sans devanture !

Au départ
Il y eut la France en diagonale
Marseille
Marseille depuis le Finistère et via Paris puis la Bourgogne
Il y eut la diagonale du fou
et son retour en une seule traite
en dévorant agressivement
la beauté d'Alès et de Nîmes
en dévorant des gencives la beauté des Cévennes
en dévorant la vie
en remontant les chaînes des volcans
comme un tank
en perçant des droites inconnues
et des tunnels inconçus
et des extrêmes imperçus
en excusant la bêtise de l'avant de ne les avoir point sus
en croquant le bleu de l'asphalte à pleines dents !
Il existe au centre de la planète France
une autoroute gratuite
jusqu'alors
où gisent cars
comme dans un cimetière de baleines
et où je triturai l'essence de la vie
pour en faire un ambre existentiel
et pour continuer...
Je réduisis peu à peu mes écarts
mais convint à parcourir encore
d'autres vastes destinations
patient
pour le bien de tous
et quelques délestages
pour tout ce dont à la fin tous toussent
pour des liaisons qui ont le goût de stages
je fis encor des triangles équilatéraux
en nord mendiant, en Loire étant,
en scarifiant le compteur kilométrique de cicatrices éphémères
en maltraitant un peu plus les quelques chevaux-vapeur
dont il me fut donné le goût.
Et jusqu'à Bruges
où je suis monté
je suis gonflé du subterfuge
où ma bohème s'est envolée
petit ballon que nul n'a su crever
et vrai voyage
et vrai rêve
seule image
et vraie pension nomade
où toute route m'est ballade.

samedi 21 novembre 2009

Alchimie

Exodus by Bob Marley & The Wailers on Grooveshark


(1330-1418) : Nicolas Flamel
Quel joli patronyme !
que la flamme, elle,
induite par l'athanor de la passion humaine
- la vasque femelle -
où brûlent encore les fantômes de nos jeunesses détestées
par les dents qui se cassent
les cheveux que l'on ramasse
dans les conduits d'évacuation des douches roides
de lustres écossés
haricots magiques de notre alchimie.

« Changer le plomb en or »
me dis-tu ?
Convertir le mal pour un bien
les soldats pour des dents de raccroc
et quelques crocs de rats
plantés
au cœur de l'œuvre en trois temps
trois mouvements
couleur couleuvre
trois couleurs
trois coups leurrent
l'étroit cou-leurre de l'athanor
col
planté entre deux monts devenus
des frontières de paternité
la passe de Khaïber
où tout hindou couche
pour devenir roi
pour devenir père
pour mourir aussi puisque l'on tue le père
et que quand le roi est mort
on crie « Vive le Roi ! »
sur le cadavre de Kipling
« God save the King ! »
et « tu seras un Homme mon Fils ! »
départi d'artifices
départi de hoquets
dans la glace
du toit du monde où je t'ai placé...
Transmuter
mieux que muer
transmuter le plomb en or
et le verbe en pléthore
de vers
arrosant le jardin de l'avenir
de nos canaux qu'irrigue
la sève de la vie
d'un monstrueux lavis
qui devient un être entier.

« Changer le plomb en or »
d'un subterfuge

la Pierre philosophale
use
ponce
les rugosités de l'existence
les va-et-viens inutiles de tant d'hésitations
de tant de refus ou d'acceptations
de temps perdus à chercher à gagner du temps
alors que nous ne sommes voués qu'à le dépenser du mieux possible
et que chaque étreinte
chaque procréation
ne peut nous ramener
qu'à notre humaine condition
ni dieux
ni maîtres
du temps qui se rit de nous
hermétique
tel un récipient dont on ne peut contenir
la fuite intérieure
de notre contention
vase clos
- vasque femelle -
vaste fumisterie du Nous
dont il faut un jour prendre conscience
si l'on veut avancer
sur la voie de la science
sur la voie du bien-être
et du savoir de ce pourquoi l'on naît.
Subterfuge ?
Quelle curieuse étymologie !
Elle sent le brûlé
le soufre
l'Alchimie
Ignifuge est plus rassurant !
Un monde ignifugé
qui ne craint plus les incendies
qui est froid, isolé des tortures à la tête de cigarette
un monde différent du père Popieluszko
un monde sans souffrances
ni solidarité
ni bourreaux
ni tortionnaires
bref !
une vue de l'esprit pour amateurs de séries télévisuelles à l'eau de rose
pour négationnistes de guerre en ex-Yougoslavie
pour aplanir les conséquences de cinq cents ans de haine en Irlande
et planer
d'une Europe idéale
presque masturbatoire
alors qu'il s'agit de s'accoupler.

« Changer le plomb en or »
à quoi bon jouer les Gilles de Rais ?
À quoi bon se faire passer pour Barbe-bleue ou pour un violeur d'Outreau ?
Dutrou ?
Dutrou, d'Outreau, ce contrepet m'a toujours amusé...
Il résume nos confusions :
un juge
comme un coussin péteur
a du juger en fonction d'une musique des mots
influencé par son air malsain à base d'hydrogène sulfuré
œufs pourris
une odeur de soufre
Alchimie
Je ne crois pas vivre dans un monde moderne :
la torture a changé de forme
mais elle est omniprésente !
Les coupables sont toujours ceux que le peuple souhaite voir pendus
comme un cigare au bord des lèvres d'une pute des bordels de Djibouti
je n'ai pas vu
on m'a dit
mais un cigare est toujours coupable
d'une petite guillotine
juste pour fumer
le feu
d'une pointe rouge
dont on tatoue les martyrs de la Terre.

« Changer le plomb en or »
Mon Amour,
il est simple de dire les choses, de les écrire, plus difficilement de les faire, pourtant je m'y efforce
il s'agit de respecter les temps
comme en musique
de marquer de cette pointe rouge
comme d'un stick à ta bouche suave
l'heur des confluences incongrues et des perspectives bataves
les trois temps de l'Alchimie :
l'œuvre première est au noir.
On conduit l'être à sa putréfaction
que ne résiste nulle impureté !
Sont tant de souvenirs en faction
qu'il faut cette matrice cureter !
La seconde est au blanc :
petit magistère
Lune de miel
Lune de fiel
l'une m'est à l'autre ce que l'autre ne sut être à mon ciel
l'éclaircie.
Les cieux de pluie me sont si communs
ici
la pluie est un élément de composition poétique
lorsque l'on omet de se laver
on devient vert comme l'Irlande
les algues se mettent à nous pousser sur la peau
on devient de la couleur de nos pays
on fructifie
les cadeaux empoisonnés des vasques caténaires
- vases féminins -
déployant l'immensité de leur onction thuriféraire
pour un tout petit peu
de douceur débonnaire
et la couleur des yeux
qu'on croit toujours première.

Vert
de loin ou d'un pré
je rumine l'herbe du regard.
Quant à l'œuvre au rouge et à son arbre solaire
hagard
je ne sais qu'en penser.
L'air
de rien ou de près
qui ne laisse au hasard
que tant de miettes épistolaires
qui me font écrire enfin
l'Alchimie des mes vers incertains
qui se fondent en toi pour je ne sais quel matin.

mercredi 18 novembre 2009

De l'escroquerie artistique

Ce court billet fait suite à une formidable discussion sur l'espace de mon ami poète Morgan Riet, durant laquelle lui-même, Vincent M-A et "Je", nous étions livrés à un massacre désinvolte de la pseudo-poésie pompeuse et délétère.
Avant toute chose, je vous invite à revoir, ou à voir (pour peu que vous ne connaissiez point cette pièce merveilleuse), "Art" de Yasmina Reza, avec par ordre d'apparition Pierre Vaneck, Fabrice Luchini et Pierre Arditi, que Dailymotion nous offre en version intégrale : http://www.dailymotion.com/video/x66105_art-de-yasmina-reza-la-piece-aux-2_fun
Offrez-vous une heure et quart de pur bonheur devant votre écran d'ordinateur ! Passés les fous-rires, vous aurez le temps de songer à la profondeur de la réflexion sur l'amitié, et aussi sur l'art... Car tel est mon propos ce soir !
Bon !
Cet après-midi, je me suis hasardé à lire un truc sur la toile. Par gentillesse, je ne dirai ni quoi ni de qui (ne vous sentez pas tous visés, vous avez peu de chances de connaître), mais cela ne m'a fait ni chaud ni froid, tant l'aspect succinct de ce "travail", sans rimes ni l'once d'une vraie structure créative en vers libres, m'a semblé merdique... Non ! Ce n'est donc pas cela qui m'a énervé ; ce qui m'a énervé, c'est le commentaire que j'ai trouvé en-dessous.
Je veux bien être le Pierre Vaneck de service, mais ce truc était une MERDE ! Et que l'on dise d'une MERDE que c'est sublime, m'a profondément déstabilisé... J'ai cherché à y voir une image poétique (les fameuses bandes moins blanches sur un tableau blanc), mouais, peut-être, mais j'étais pas plus convaincu.
Je sais ce qu'est suer sur une œuvre lorsque l'on crée : ce n'est pas chier huit lignes sans structure avec l'apparente facilité de l'ange initiateur de pouvoir du Beau !
Et n'est pas en cause ma préférence de genre ; je suis fan' de l'écriture de Cendrars et de celle de Maïakovski (grands modernistes), je kiffe les vers libres de mon pote au point d'en avoir choisi une tournure à ma propre écriture. Non, c'est que cela me gonfle quand en matière d'art on néglige le vrai travail de l'ombre des créateurs à la sueur, pour des MERDES pondues avec l'élégance des dieux, sans effort. Et ce, tant en littérature qu'en musique, en peinture qu'en sculpture, en tous ces arts qui ont pour objectif de FABRIQUER DU BEAU, de nous raccommoder avec la putain d'vie tant elle est parfois difficile à vivre...
Je vais vous dire un truc : nous vivons dans une société qui, craignant de louper l'artiste qui va provoquer une vraie rupture en matière d'épistémologie de son art, tel Van Gogh, Rimbaud ou Camille Claudel, qui craignant de les laisser crever dans leur misère et elle, la société, dans le constat de sa bêtise et de sa pauvreté intellectuelle, préfère considérer ce qui change, choque et surprend, comme d'emblée du "beau"...
Alors oui, je ne peux pas empêcher quiconque de trouver quoi que ce soit de "beau", je me retrouve dans la position de Vaneck dans la pièce... Mais quelle ESCROQUERIE !
Et cette ESCROQUERIE ARTISTIQUE repose sur le principe sus-mentionné. Les plus habiles l'utilisent, parfois même inconsciemment, tels des mythomanes persuadés de leur mensonge...
Une chose me rassure toutefois : ce ne sont que les siècles qui décident de la valeur de l'œuvre. Quant au marché...

mardi 17 novembre 2009

Aleksandria



De lettre en minus cris, ça nous en fait combien ?
A vaincre la raison, je ne sais plus très bien...
Ce sont des histoires sans nom, drôles de trains
qui nous conduisent à germer de ces quatrains :

Ils viennent girofler la lanterne magique
des nuits tant esseulées de nos peurs névrotiques,
et le feu d'un regard de lumière antalgique,
de quelque giron phare, Alexandrie mythique.

Dressée, tel un beffroi,
font de source et fraîcheur,
qui insinue sa chair
dans ton sein, dans ton froid.
Nul n'est mauvais prêcheur
au faux-filet casher
du vœu auquel on croit,
par chance et par bonheur.

Et l'horizon marin des cieux hellénistiques,
des cités de porphyre aux teintes élastiques,
nous cause encor d'onyx et de pierre en distique,
comme des yeux que firent des dieux agnostiques.

Suivant la route d'un itinéraire enfin,
au creux d'un ventre où je crierai toujours ta faim,
tu rends soudainement uniques et certains
les uniformes lourds, poètes et crétins.

Dressée par nul effroi,
ni sang, ni nulle peur,
qui insinue sa chair
en un sinus étroit,
tu es mon Nil happeur,
mon delta, marais cher,
tu vogues comme Troie,
par chance et par bonheur.

En paroles de nuit, mes écrits incertains,
pourtant, trouvent le jour d'amers s'étant éteints ;
Est-ce ton incendie et le feu de tes livres ?
Est-ce d'un son dit ce dont tu me délivres ?

En paroles de nuit, mes écrits éclaireurs
n'en sont pas à un prêt, biblio de l'erreur...
Mais pour peu qu'éclairé, si ton signe m'atteint,
J'eusse le souvenir de ta flamme au matin...

Je saurais que c'est Toi !
Qu'à trop parler on pleure
sur nous, sur nos malheurs
sur la vague à la foi...
sur les vagues de leurres.
Laisse aller cette fois :
ta lumière, Aleksandria !
Et toutes ses ampleurs.

lundi 16 novembre 2009

Un bout de chemin ensemble

Si toute paupière est à l'œil un crépuscule,
et que parfois long nez soit ce qui le bouscule,
n'envoyons point Cléo paître à notre amertume,
dont n'est aucun écho de nos amours posthumes.

Nous sommes circonscris de doutes et d'envies,
nous sommes circoncis du culte de la vie,
ne désirons qu'infime univers de « nous deux »
et le moment intime où tout est hasardeux.

Puis, tout comme un vent frais, tout chasse nos tourments,
de qui la chouette effraie, on trace des serments,
des êtres que l'on cloue aux portes du passé,
de jolis Christ enrouent nos plaies qui sont pansées...

On dresse un mur d'échine, et il décrit nos lignes
de conduite, et se signe à l'aune d'un contrat
en quadruple exemplaire, aux stigmates malignes
des croix que pour se plaire, on crut bon graver là.

Et puis l'on se réveille, à garder près de soi
des faiblesses d'oreille aux froissements de soie
de draps que l'on se tresse en innocence pure,
emprunts de la détresse où se noient nos épures.

Sentir le chaud soleil d'un ventre sous la main,
l'incarnât du vermeil, un baiser de carmin,
fondre en fiente, en pigeon, sur un portrait ultime,
que nous seuls nous pigeons, Dewaere et balle intime.

Je veux marcher, marcher sur tant d'autres chemins
pour voir ensemble enfin, de quoi se fait demain,
de tes éclats de rire, et tant de nos soupirs,
nos regards sont l'impôt du meilleur pour le pire.

Soufflet

Drogue ! Antépénultième hymne homo à nos maux,
et triste requiem à nos vers anormaux,
tu viens peinturlurer d'un vert que ceint Étienne,
la vue que nulle urée ne ferait mieux que tienne.

Et nos sabbats d'onctions sur des croupes de chiennes,
sont de nos connexions les indicibles chaînes ;
si ce froid nous empêche à nous rejoindre enfin,
ne gardons de la pèche un rien que notre faim...

De tes bras m'enlaçant j'aimerai la chaleur,
De ton opalescent regard, les braises froides,
dont je veux, me berçant, l'appétit avaleur.

Car sous ta latitude où mes besoins s'enroident,
s'il est décrépitude étant un équateur,
j'ai pris pour habitude un baiser-étouffade !

dimanche 15 novembre 2009

Hécatonchires



Il me tarde de reprendre le train
le train des convenances
le train des choses
le train de la vie
le train-train, quoi, comme on fait coin-coin
dans chaque arrondissement de Paris
mutuel, urbain,
bonjour, bonsoir
le train des solitudes dérisoires
et des automnes qui précèdent les hivers
puis les printemps de renaissance.

Ma vie commença par le lien ténu
d'une voie ferrée
cordon ombilical d'un monde à sa mamelle
suce-pendu, aux confins de l'occident
qui tranche le soleil, le soir
de sa lame de rasoir.
Ma vie commença par le pari osé
de distendre, au sein du même fuseau horaire
l'identité nationale.
Malheur à qui écoute Mahler
en rameutant
de tels souvenirs géographiques.
De cette démarche Commune
on s'emmure du fait d'errer
sur les parterres de coquelicots et de bleuets
des vers d'un fort d'où « aimons-nous »
est un euphémisme grippal.
Et pourtant
en partant
sur les chemins d'amasse-poussière
sur les travées mérulées d'enfances céruléennes
comptabilisant les traverses mercières
de nos reprises sur un pantalon troué
de chutes enfantines
nous retissons
Bayeux
Aïeux
des scenarii qui mènent à des potences
de vélos
et des synopsis sur des palimpsestes qui n'ont pas eu de pot.

La voix Ferré
je reprends donc le récit :
parfois, il m'arrive de voir dans le vaste réseau de rails qui couvre le Monde
une sorte de polichinelle articulé
où chaque lieu dépend d'un autre
un théâtre de Guignol étant son propre marionnettiste
les entrelacs complexes d'une mécanique huilée par le flux des humains
au sein de fils à couper le labeur.
Babel existe !
Nous l'avons bâtie !
Mais elle ne nous a nullement rapproché du Dieu pour lequel nous nous sommes pris...
Elle n'a finalement fait que nous rapprocher de nous
enfin des autres
pour autant qu'on cessât de les ignorer
et de ne voyager que pour découvrir l'endroit
et non les gens qui le peuplent.
Vous êtes-vous déjà demandé
COMBIEN
de jours, semaines, mois ou années
vous aurez passés dans votre vie à joindre un point à un autre ?
A pied, à cheval, en voiture, en train
ENTRAIN
?
Vous êtes-vous demandé SI
entre naître et mourir
nous ne faisions
jamais que, finalement
établir une jonction ?
Et que les pointillés dont se composent nos vies
— métro
dormir
aimer
divorcer
manger
chier
thésauriser
construire
détruire
théoriser
carrièrer
couler
pisser
boire (ah, boire !)
baiser
enfanter
accoucher
élever
vieillir
perdre
partir
métro —
se remplissent d'un vide qui ressemble à la mort ?
Vivre ne serait donc que s'efforcer à resserrer ces pointillés
comme les trains s'époumonent à écourter la succession des traverses
et les temps musicaux entre chaque jointure de rail.

Ou bien alors
vivre serait remplir ces vides
d'une conscience suprême du voyage
dans la moindre des onces de son temps
dans le moindre de ses silences
dans le moindre intervalle mélodique du cht-cht
des roues
des pans
de nos parcours impersonnels.
Soufflant la buée sur la vitre
afin que nos doigts violent sa virginité neigeuse
pour l'ECRITURE
OUI !
Jusque sur la vitre des voyages ennuyeux
puisque les vies de nombreux sont des voyages ennuyeux
nous comblons des fossés de non-être
par des bêtises éphémères mises à l'index
de la peur du vide.
Nous sommes la même entité à cent mains
badigeonnant de sept à cent-vingt ans
les mots du genre humain
sur les carreaux illustrés
de poétiques plaques métalliques
les dénominant en langages européens
de
« Nicht hinaus lehnen »
« E pericoloso sporgersi »
« Do not lean out of the window »
« Il est dangereux de se pencher au dehors »
Telle est la poésie du voyage en train
résumée en ce seul quatrain.
Et ses lecteurs
écrivains digitaux
comme à Lascaux
confient leur lenteur
aux confusions hécatonchires
gardant le monde des enfers
et du chemin de fer
et de tant de tags
puisqu'en germain ça veut dire « jour ».

Ma vie commença par le lien ténu
d'une voie ferrée
comment faire « eh ! »
lorsque nous tous on continue ?

CHAOS

J'ai Érythrée des os de Lucy
En travers du nez
comme d'une maison friable
suspendue à des nerfs de bœufs...

Le monde est un juge castrateur :
Nos bâtisses sont l'objet de contensions
écartelées entre les yeux d'observateurs engoncés de bon droit,
et les oreilles d'un peuple sourd à nos supplications.

Il y a quelques millions d'années,
quand elle s'endormit dans un lit de vase,
Nul ne fut à planter des fleurs sur sa dépouille indivise :
de petits os,
tels ceux qu'il ne faut pas donner aux chiens de peur qu'ils ne s'éventrent,
des os de lapins posés par les écueils de l'histoire,
et que reconstituent les apôtres d'une science illusoire.
J'ai irrité mon encéphale du squelette de Lucy,
à me gratter l'épithète avant la phrase
et l'emphase avant le verbe,
avant l'adverbe,
avant l'Eve,
pour ne rien sortir d'autre du tombeau
que l'Evidence d'un pomme pourrie au chaud
de mes mains qui lacèrent sa peau virginale
de traits de ressemblance.

Il ne faut pas laisser le pouvoir aux phrases
de rendre un quelconque écho
de ces sentiments dont l'extase
dissèque chaque os
chaque tendon
chaque artère
Il ne faut pas
Il faut laisser le scalpel des prédations modernes
Ouvrir un saignement que l'on déteste
Aux paupières d'un monde en quête d'exhibitions.

Il faut écrire et attendre
le heurt de gauches et de droites insécantes
et nos arcs à tendre
une parousie inconséquente.

vendredi 13 novembre 2009

Déclaration

Il est grand temps que j'écrive en vers libres, afin de laisser respirer ma poésie.

Triste novembre...

Novembre est le mois du morne. Du spleen. De l'automne. De Verlaine. Annonçant l'hiver, laines et frimas, feuilles échues et chutées, chut et pourrissant.
Il fallait bien être Verlaine, avec ses aubes grises chantées par Barbara - Gottingen -, pour célébrer d'aussi belle manière ce mois de la pourriture.
La pourriture est une étape du grand cycle de la régénération ; ce n'en est pas forcément la plus folichonne, mais elle a aussi sa nécessité sans hasard. Les cadavres tombés des frondaisons comme des poilus à un chemin des dames annuel, n'en finissent pas de mêler leurs humeurs déliquescentes aux merdes de chien citadines et aux bouses rurales.
Novembre est également un mois d'armistice. Depuis tout enfant, ce mot m'a toujours épaté, tant dans son fond que dans sa forme. Armistice. Comme tout enfant j'ai posé la question : "ça veut dire qu'on a fait la paix, Papa ?"
Ah non ! Moi aussi je suis papa à présent... Ah non, non, non ! "Armistice", ça veut dire qu'on a arrêté de faire faire la guerre, mais qu'on n'a pas encore fait la paix. J'imagine Hugo (oui, j'ai affublé mon fils du sobriquet de l'homme de lettres que je déteste le plus, mais ceci est une autre histoire) me zieuter d'un air circonspect... Tu verras mon fils, lorsque tu auras divorcé, tu comprendras le sens du mot "armistice".
Et puis, novembre est aussi le mois de la mort des poètes : le 10 de 1891 pour Rimbaud, le 9 de 1918 pour Apo. Balaise, Blaise nous le rappelle dans "La main coupée" : le jour du susnommé "armistice", il rentre des funérailles de son pote, mort au champ d'honneur de l'ancêtre de l'haschinnénin. C'est con la grippe, hein ? Tu survis à une guerre pareille pour crever de cette saloperie ! Cela me rappelle l'histoire que me racontais mon père, celle de ce pilote mythique de formule 1, Alberto Ascari, je crois, en tout cas l'un des rares à pouvoir tenir la dragée haute au monument dont même les gosses d'aujourd'hui connaissent le nom avec celui d'Ayrton Senna, Fangio. Donc Ascari, l'engin dans son engin, il est sorti du tunnel à Monaco, et sur une putain de flaque d'huile, le v'là t'y pas qu'il prend la tangente direction la grande bleue. Ce sont des hommes-grenouilles qui l'ont sauvé de la noyade. Quatre jours plus tard, ce con mis au repos par son écurie, ne peut s'empêcher de prendre part à une séance d'essais privés durant laquelle il trouve la mort dès la première boucle. Mektoub !
Ce n'est pas important de mourir ! Tout le monde meurt ! Ce qui est important, c'est quand, comment et après quoi. Finalement Ascari a eu une belle mort puisque j'en parle encore... Rimbaud ? Il a crevé comme un rat ; les rats sont hémophiles, tout le monde le sait, il suffit d'entamer leur cuir pour les laisser crever. Rimbaud ? Il était déjà mort : il a cessé de vivre le jour où il décida de cesser d'écrire ; on parle de tout à son sujet, syphilis, cancer, gangrène... Oui gangrène, au moins de l'âme... Rimbaud est un fantôme qui nous laisse écrire à sa place pour tenter de la racheter au diable, mais la patente est à la hauteur de son génie. Très chère. Son génie très cher...
Bon Dieu, il faut vraiment être Verlaine pour parler de novembre, et faire d'une pourriture de mois des poésies aussi belles que la "Charogne" de Baudelaire.

Le Beau

« Le beau est toujours bizarre. Je ne veux pas dire qu'il soit volontairement, froidement bizarre, car dans ce cas il serait un monstre sorti des rails de la vie. Je dis qu'il contient toujours un peu de bizarrerie, de bizarrerie non voulue, inconsciente, et que c'est cette bizarrerie qui le fait être particulièrement le Beau. »
Charles Baudelaire

Aphorisme du jour


Ce qui me rassure, participant à des concours littéraires, c'est que Blaise Cendrars ne reçut qu'une seule et unique distinction dans toute son existence : le prix du roman de la ville de Paris. C'était quelques jours avant sa mort, il était déjà grabataire après un premier AVC...

jeudi 12 novembre 2009

Inspiration

Puisqu'un jour, tu ne viendras plus
frapper aux portes de mon crâne,
puisqu'il aura plu et déplu,
ta gouttelette en filigrane,
et que des cieux ne tomberont
que les filets des soleils d'autres,
dis-moi que nous moissonnerons
sans troquer le blé pour l'épeautre.

Dis-moi, toi, mon inspiration,
quel poète est le plus mauvais,
violant le mot « macération »
pour en tirer des « je m'en vais »,
pour arrêter toute écriture
et jouer Rimbaud sur de faux-airs,
emprisonnés de fioritures
et de déballages diserts...

Dis-moi que c'est moi, mon miroir,
que je suis le plus haïssable,
que je suis dans un entonnoir
tel un château - Kafka - de sable,
qu'il faut en sortir ou mourir,
que je dois m'attabler sans crainte
à l'œuvre de chair à nourrir
qui puisse laisser une empreinte.

Dis-moi la lumière à ton tour
et les mots vivifiants du monde,
Les Caravage et les atours
dont on orne le plus immonde,
la beauté de la création
malgré l'en-soi du diable en l'Homme,
malgré nos franches destructions,
au gré de mes Capharnaüm.

mercredi 11 novembre 2009

Na guerre

Dieu, qu'il y en avait de la verdure au pieds
des soldats qui gisaient sous l'incessante bruine,
des pantalons garance une infortunée ruine,
du soufre la fragrance en cartouches usées.

Petits piou-piou punis enluminant l'entour,
jolies fleurs démunies de la respiration,
qu'on comptait dans les champs sans autre inspiration
que ceux d'un martial chant dont ils étaient l'atour.

Si l'alizarine est pigment de la garance,
que les prés de bleuets et de coquelicots
sont aux poilus l'effet de nos cocoricos,

que soient de l'Allemagne et de la pauvre France,
le poids d'un Charlemagne au cou de nos souffrances,
et l'ex-chapelle aimant ces sarcophages rances.

11 Novembre

"Le métier d'homme de guerre est une chose dure, pleine de cicatrices, comme la poésie."
Blaise Cendrars


Blaise Cendrars était suisse de nationalité originelle. Dès 1914, il fit parti des 88 000 combattants étrangers qui s'engagèrent dans la légion pour défendre les couleurs de la France. Il écrivit même et signa un manifeste incitatif à cet engagement, de son nom de poète : Blaise Cendrars.
Mais jamais, durant son service, engagé sous un faux nom anglais, il ne mit en avant sa stature littéraire hors norme.
Il perdit un bras, le droit.
Il survécut à cette boucherie sans précédent, parce qu'il avait perdu le bras par lequel il avait écrit de si belles poésies.
Il raconte, par la voix de Jacques Bonnaffé (dans la version dite de 4h que je possède en collector de 3 CD, de son roman "la main coupée, et que je me suis offert d'écouter à nouveau ce soir, pour le souvenir), comment se déroula cette apocalypse grégaire.
Nul témoignage n'est plus saisissant ni étoffé que le sien. Les archéologues de la guerre de 14, dont j'ai pu entendre cet après-midi sur France-culture, les explications de l'un d'entre eux, y font sans cesse référence.
Il y raconte aussi comment il écrivit pour la première fois de sa main gauche, les lettres aux femmes, fiancées ou amantes de ses copains perdus.
Après la guerre, Blaise Cendrars devint un romancier majeur. Il venait d'enterrer son maître, Guillaume Apollinaire, bêtement mort de la grippe espagnole -mais meurt-on intelligemment ?-, et je ne crois pas qu'il fit l'effort idiot de croire aux lendemains qui chantent d'internationales aujourd'hui désuètes...
Il perdit un fils aviateur en 1945. La description qu'il en fit ne peut susciter aucun commentaire, juste le silence à l'ombre de l'homme et l'admiration à la lumière du littérateur.

"Hélas !... Le 26 Novembre 1945, un cable de Meknès (Maroc) m'apprend que Rémy s'est tué dans un accident d'avion.
Mon pauvre Rémy, il était si heureux de survoler l'Atlas tous les matins, il était si heureux de vivre depuis son retour de captivité en Bochie.
C'est trop triste...
Mais un des privilèges de ce dangereux métier de pilote de chasse est de pouvoir se tuer en plein vol et de mourir jeune.
Mon fils repose, au milieu de ses camarades tombés comme lui, dans ce petit carré de sable du cimetière de Meknès réservé aux aviateurs et déjà surpeuplé,
chacun plié dans son parachute,
comme des momies ou des larves qui attendent chez les infidèles, pauvres gosses, le soleil de la résurrection."
Blaise Cendrars

jeudi 5 novembre 2009

Versets versés


... sur les tombes contigües de ma mère et de son amie d'enfance.


Les fleurs que je vous offre
sont un bouquet de mots
dont je remplis un coffre
du bout de mon stylo.

Leur parfum de naguère
est à vos souvenirs,
le mien ne vaudra guère
que le blanc d'un soupir.

Ce sera donc ici,
le temps faisant son œuvre,
que seront réunis
les nids de nos couleuvres...

Les non-dits épatants
qui, d'un effet de bombe,
ô secrets éclatants,
sont cachés dans les tombes.

C'y sera donc aussi
ma dernière demeure,
et comme un dernier lit,
le fleuve où l'on se meurt.

j'y coulerai les jours
en toute éternité,
en sachant, tout autour,
vos deux maternités.

Novembre est tout plié
du feu des chrysanthèmes,
mais j'avais oublié
de vous dire "je t'aime".