vendredi 13 novembre 2009

Triste novembre...

Novembre est le mois du morne. Du spleen. De l'automne. De Verlaine. Annonçant l'hiver, laines et frimas, feuilles échues et chutées, chut et pourrissant.
Il fallait bien être Verlaine, avec ses aubes grises chantées par Barbara - Gottingen -, pour célébrer d'aussi belle manière ce mois de la pourriture.
La pourriture est une étape du grand cycle de la régénération ; ce n'en est pas forcément la plus folichonne, mais elle a aussi sa nécessité sans hasard. Les cadavres tombés des frondaisons comme des poilus à un chemin des dames annuel, n'en finissent pas de mêler leurs humeurs déliquescentes aux merdes de chien citadines et aux bouses rurales.
Novembre est également un mois d'armistice. Depuis tout enfant, ce mot m'a toujours épaté, tant dans son fond que dans sa forme. Armistice. Comme tout enfant j'ai posé la question : "ça veut dire qu'on a fait la paix, Papa ?"
Ah non ! Moi aussi je suis papa à présent... Ah non, non, non ! "Armistice", ça veut dire qu'on a arrêté de faire faire la guerre, mais qu'on n'a pas encore fait la paix. J'imagine Hugo (oui, j'ai affublé mon fils du sobriquet de l'homme de lettres que je déteste le plus, mais ceci est une autre histoire) me zieuter d'un air circonspect... Tu verras mon fils, lorsque tu auras divorcé, tu comprendras le sens du mot "armistice".
Et puis, novembre est aussi le mois de la mort des poètes : le 10 de 1891 pour Rimbaud, le 9 de 1918 pour Apo. Balaise, Blaise nous le rappelle dans "La main coupée" : le jour du susnommé "armistice", il rentre des funérailles de son pote, mort au champ d'honneur de l'ancêtre de l'haschinnénin. C'est con la grippe, hein ? Tu survis à une guerre pareille pour crever de cette saloperie ! Cela me rappelle l'histoire que me racontais mon père, celle de ce pilote mythique de formule 1, Alberto Ascari, je crois, en tout cas l'un des rares à pouvoir tenir la dragée haute au monument dont même les gosses d'aujourd'hui connaissent le nom avec celui d'Ayrton Senna, Fangio. Donc Ascari, l'engin dans son engin, il est sorti du tunnel à Monaco, et sur une putain de flaque d'huile, le v'là t'y pas qu'il prend la tangente direction la grande bleue. Ce sont des hommes-grenouilles qui l'ont sauvé de la noyade. Quatre jours plus tard, ce con mis au repos par son écurie, ne peut s'empêcher de prendre part à une séance d'essais privés durant laquelle il trouve la mort dès la première boucle. Mektoub !
Ce n'est pas important de mourir ! Tout le monde meurt ! Ce qui est important, c'est quand, comment et après quoi. Finalement Ascari a eu une belle mort puisque j'en parle encore... Rimbaud ? Il a crevé comme un rat ; les rats sont hémophiles, tout le monde le sait, il suffit d'entamer leur cuir pour les laisser crever. Rimbaud ? Il était déjà mort : il a cessé de vivre le jour où il décida de cesser d'écrire ; on parle de tout à son sujet, syphilis, cancer, gangrène... Oui gangrène, au moins de l'âme... Rimbaud est un fantôme qui nous laisse écrire à sa place pour tenter de la racheter au diable, mais la patente est à la hauteur de son génie. Très chère. Son génie très cher...
Bon Dieu, il faut vraiment être Verlaine pour parler de novembre, et faire d'une pourriture de mois des poésies aussi belles que la "Charogne" de Baudelaire.

4 commentaires:

Philippe a dit…

quand il est mort le poète, tous ses amis (bis

a+

Michel P a dit…

:)

Morgan a dit…

Petit bijou en prose !

Anonyme a dit…

Superbe…

Ce mois de la pourriture est mon "moi", j'suis pas encore morte !

biz
alix