vendredi 29 janvier 2010

Madeleine et Jean-Baptiste



Je n'ai jamais aimé les 17 février
Pas plus ceux d'il y a presque un an
que ceux d'il y en a presque trois cent cinquante
ni ceux qui viendront demain nous rappeler qu'il y a un 17 février tous les ans
à la différence du 29
ou du 32 décembre...
Je n'ai jamais aimé cette date car elle tinte d'échos de verre brisé
de lustres
– un lustre c'est cinq ans, car sur les lustres de l'Illustre Théâtre
il y avait cinq bougies –
dont les liens finissent par rompre
et qui choient
dans le vacarme des mauvais choix.
Et en repensant à la venue d'une nouvelle occurrence
de ce jour où Tamerlan fut inhumé en Samarcande
je souhaitais raconter une histoire
l'histoire d'une histoire d'amour
triste
car les histoires d'amour sont toujours tristes
(pour être gai il ne faut point aimer si ce n'est d'amitié)
celle de Madeleine et Jean-Baptiste.
Elle comptait quelques années de plus que lui...
Elle escomptait le cacher le plus longtemps possible...
Sans jamais rien n'en avoir à lui dissimulé.
Ce fut un jour
une nuit plutôt
parce qu'il la vît
que sa vie
prît un tour
des moins communs qu'il soit
des mois comme un qui sot
ne saurait mesurer l'étendue de ce petit changement
dans le chamboulement
sur le lequel nos certitudes s'assoient.
Pourtant
ce ne fut qu'une rencontre.
La simple rencontre d'un jeune homme avec une actrice.
Belle
Rousse
Verte
– la couleur tient souvent à celle du regard –
dans la moire de sa tenue de tragédienne
et sous le casque d'Iphigénie
dans l'amour naissant qui fit Génie
d'un jeune tapissier
dont les mots s'attacheraient au tronc de la langue française
comme un plante grimpante
comme au corps de la belle
comme aux heures du bonheur cueilli sur la route
comme aux instantanés des jeunesses qui fanent toujours trop vite
comme à ces cris de joie sans honte
sans retenue du moindre décibel
sans attention ni peur, ni reproche ni déroute
sans se soucier des courbes ni des pentes
sans inflammation ni gingivite
mais juste de baisers et d'étreintes qu'affrontent
les flammes de l'enfer du verbe et de la comédie
dans l'union sacrée de ceux qui ne sont que comme est dit...
Ils s'aimèrent donc
parce qu'il ne pouvait en être autrement !
Madeleine et Jean-Baptiste
aux prénoms des principaux du Christ
marchèrent sur les sentiers
de notre ignorance à tous
de nos petites mesquineries
de nos grands sacrifices à l'âme qui nous sublime
de cette chose à la fois fragile et déifiée
qu'est l'amour des amants
et dont on ne peut défier
que l'abrasion du temps...
Mais la voie parcourue s'était incrémentée dans leur destin
les voix du théâtre aussi
et quand un jour il fallut qu'il écrivît
il devint naturellement l'auteur qu'elle avait toujours su chez lui...
Et quand un jour il voulut épouser sa jeune sœur
– ou sa fille, qu'en sait-on ? –
elle sut le poids de cette attendue trahison.
Le succès ne génère pas toujours la clarté de l'esprit.
Elle mâchonna sa douleur
presque en silence
elle suça son humiliation
avec une infinie patience.
Je me demande parfois
si aimer
n'est pas
s'humilier.
Elle mâchonna son amour pour Jean-Baptiste
qui fut évidemment cocu
– à quoi bon se projeter sur des filles de vingt ans de moins que soi ? –
en cherchant à cacher à la société
(les diableries du paraître)
que l'on aimait à satiété
les fruits des entrailles d'une littérature accouchée par le siège
par le trône
là où nul soleil n'a jamais chié la moindre merde iconoclaste
dont lui fut immensément capable.
Et quand la disgrâce advint
Ils se retrouvèrent l'un et l'autre
Madeleine et Jean-Baptiste
seuls si ce n'était qu'entre deux
maudissant les tartuffes qu'ils furent un peu
(quant à leur vision de l'un de l'autre)
et les interdictions, et leurs interdictions, et la diction, et le verbe scandé
et les scandales
et les spartiates
et leurs sandales
enfin, quand on passe des soirées entre vieux ou vieillissants
on se rappelle irrésistiblement nos nuits folles d'amants.
Le 18 février
après l'avoir embrassée la veille au soir
Jean-Baptiste est monté.
Madeleine s'était endormie pour toujours.
Il passa toute une année cherchant à comprendre ce qui est important.
Un an se passa.
Un an exactement.
Jour pour Jour.
Et le 17 Février
il demanda à quitter la scène
à rentrer chez lui
en vomissant son sang
Armande était là à qui il avait pardonné
Mais il revit Madeleine
Rousse
Verte
– la couleur tient souvent à celle du regard –
Belle
et il revit sa mère
qui l'avait quitté si jeune...
et il sut en mourant qu'il n'y a pas deux grands amours
qu'il n'y en a qu'un
enfin presque...

mardi 26 janvier 2010

Accomptes d'auteurs






Le vrai drame d'un auteur
est d'être oublié
sa vraie dramatique est d'être rayé
non de la mémoire collective
non des encyclopédies
non des pupitres, des chapitres ni des rampes
mais des registres de la vie courante.
Être oublié de la comédie de la vie...
Parfois
l'œuvre écrase l'homme
comme le tombereau sur Fauchelevent
toujours
l'œuvre écrase l'homme
sans que nul Valjean ne vienne l'en soulager
n'en faisant au mieux ressortir qu'un être abject
bon pour les travaux forcés
– ce qui est d'ailleurs son cas –
souleveur des tombereaux des autres
saoul le vers à la plume
la note aux ailes d'un nez rouge
amuseur publique
sans que rien ne l'amuse que quelques autres aussi malchanceux
aiguilles d'iridium dans la botte du foin fait par la masse des vivants
par la nasse de certains profiteurs
à muse, heurts publics,
et à toute musique, dilacération,
componction,
élucubration,
extrême-onction.
L'œuvre est mais oublie l'auteur :
la créature a noyé son créateur
dans un bain de Léthé qui fut hélas Styx
tandis que le temps ne le fut pas
mais le fuît
et que les heures perdues à la composition
n'apportèrent que peu souvent le prix du sacrifice
fait au nom du Père
du sacré Fils
et de son enceint esprit.
Le libre-arbitre est une vue de ce dernier.
Croire que nous avons le choix est souvent une lubie
des forces sourdent au plus profond de nous
et l'on se croit
et l'on s'entend dire
et l'on s'entend rêver
« tu es né pour ceci »
« pour cela »
et l'on se croise au hasard d'une existence où finalement n'est aucun coup de dé
et l'on veut en découdre
afin de tisser des beaux parements aux flancs des juments du désir
et l'on sait croix
à tout chemin de Damas ou d'ailleurs
et l'on s'y croit
le temps d'une courte vie.
Qu'en reste-t-il ?
La trame de ce qui servit l'œuvre ?
De maladives performances ?
Un bouquet de fleurs envoyé par correspondance – via Baudelaire – ?
Quelques reliques ?
Un cœur débordant d'un amour déçu ?
Un peu de tout cela sûrement...
comme chez tous les gens...
l'âpre goût des idéaux rangés au rang des regrets
les pas sur le sable que l'amer efface
et le souvenir inaltérable d'un sourire
plein d'une vigoureuse joie
gratuite
aux antipodes des calculs et des comptes que l'on doit – dit-on – faire pour survivre
la clef de sol à toute symphonie
un sourire
un sourire qui parvint à changer le plomb des dents cariés en couronne de laurier
un sourire vainqueur
un sourire vain cœur
que la mémoire a vertu de perpétuer éternellement
au sein de l'œuvre.
Avez-vous déjà écouté
– pas entendu, écouté ! –
des poèmes
des symphonies
en vous interrogeant sur la pauvre vie de leur auteur ?
sur ses tous petits ressentis de tout petit humain ?
comme vous et moi ?
Tel est le codex aux portes d'entrée du royaume alibabesque des amuseurs :
ces âmes, ouvrez-moi !
Comme partout
il y eut beaucoup de douleur
beaucoup de pleurs
Mais
la Musique injecte une puissante antidote aux venins les plus insidieux
la Poésie nettoie nos plaies comme la pluie nous noie les larmes
au goutte-à-goutte
et coûte-que-coûte
donc, s'il fallait (enfin) que s'y plaise ainsi Dieu,
que ce Sésame soit ses armes :
laissons la parole à ceux qui moururent
d'une telle dévotion pour leur art
plutôt qu'à de sombres tonsures
plutôt qu'à de pâles césars.


Michel P©2010

lundi 25 janvier 2010

En sous-Dieu






A se casser le nœud gordien sur le prie-dieu
d'un éternel haineux vouant aux gémonies,
on laisse aller le temps de nos printemps radieux
aux miasmes d'un étang que d'abrégés mots nient.

A fondre d'un cancer qu'on distille en secret
dans les feux de l'enfer où nos âmes pataugent,
on oublie cette forge où le verbe se crée
et le son de la gorge entre saints qui se jaugent !

On oublie le présent au profit de futurs
qui ne sont que faisans décrochant de leur patte,
divinement confits d'intime pourriture.

Et des queues quoi qu'on fit, une plume à l'épate,
me tient au doigt l'odeur de cette encre écarlate,
cette douce tiédeur de la mort qu'on frelate.

samedi 23 janvier 2010

Eux






Je pensais parler d'eux
dans les règles drastiques de la prosodie classique
dans le carcan de la rime et des pieds
dans les positions des pieds
des pas
des « je peux pas
mais je le fais quand même »
des danseurs apprentis
des larbins repentis
et je suis en train d'entendre un requiem...
Je pensais parler d'eux
dans la rigidité rassurante d'un cercueil capitonné
qu'ils n'eurent même pas
même pas d'eux deux
même pas de deux
tant leurs angoisses furent communicatives
à l'époque
et leur Génie évident
aujourd'hui.
Ils vécurent sous le poids d'un père
l'un sous le poids de sa présence
l'autre sous le poids de son absence
ils vécurent peu de temps
à l'aune de la vie commune
mais le temps est une chose élastique
– tout le monde le sait ! –
que l'on dilate sur les partitions
que l'on triture sur les tables de torture
de l'édition
le temps de l'oreille
les tons péchés à la mâture
de l'immature
et des fables du sommeil...
La fameuse « petite voix »
celle qui vrille le cerveau
comme une chignole
agitatrice
perforatrice
celle qui remplit le vide de l'existence
d'un univers parallèle inconnu de l'autre
et d'harmonies inexistantes aux mariages de nos synapses
comme d'un bûcher dont on se voulut relaps
de tout ce dont on fut apôtre
de nos bâtisses espagnoles
en terres d'inconstance
et des grandeurs insoupçonnables
dont s'enflèrent les vers et les phrases
musicales
des phases d'emphase
et des morceaux misérables
à l'achèvement lacrymal.

Je pensais parler d'eux
mais n'en trouvais pas l'entrée
simplement parce que ce sont eux qui ouvrent les portes
et que leurs clefs
sont soi faites de notes non à régler
soi construites d'une mélodie plus secrète
d'additions
d'addictions
de gros pansements sur leur cœur pas préhensile
panser
penser
sessile
Cécile
le français offre le vocabulaire du salto pour le pire acrobate...
Mais une chose m'intrigue :
pourquoi chambouler le monde et en être conscient au point de vouloir le quitter ?
On s'essouffle tous !
Les essoufflements de Mozart et de Rimbaud ont accouchés de mondes nouveaux.
Ces deux enfants prodiges
Ont propulsé le monde dans des dimensions nouvelles
on ne peut ne pas parler d'eux
on pourrait parler du monde sans eux
ces deux enfants du monde sont morts
dans un monde qui les ignore
mais celui-ci mourut plus sûrement qu'eux...
A ceux qui n'ont jamais écrit
qui ne savent pas l'emplâtre que l'on se pose
à graver par la plume
en faisant rouler des boules de billard
des lettres ou des notes
à ceux qui s'imaginent ces feignants de l'écriture
à ceux qui croient que l'art est facile
à ceux qui ne savent pas
à ceux qui ne parlent pas à ceux dont ils aiment les notes ou les mots
à ceux qui marchandent comme au temple dans la stupide certitude du présent
à ceux qui marchent sur les chemins de la réussite
à ceux qui oublient que Mozart écrivit leur messe de mort
à ceux qui oublient que Rimbaud écrivit la messe de leur vie
je ne me fais qu'écho de ces deux grands Génies
dont je me satisferais
d'un strapontin
entre eux-deux
au Paradis.

vendredi 22 janvier 2010

Commune aimante

Je n'ai rien à écrire ce soir. Je suis sec. Alors je republie ce texte qui m'est cher :






Oh ! L'histoire
            délétère
                        de la rue
                                     m'est immonde...
de l'espoir
     dès les terres
                         aperçues
                                       d'autres mondes,
le mouroir
  que l'un, Thiers,
                          a perçu
                                         de la fronde,
qu'aux trottoirs,
       les deux tiers
                        ont rendu,
                                       sang dans l'onde.

On peut s'interroger du festif socialisme
des communards vermeils comme des cartes, mais
le cri de liberté, de fougue et d'anarchisme
dont nul ne fut pareil, ne s'oubliera jamais !

Tout est teint d'éosine aux rues du gai Paris,
tout éteint est le phare aux mines déconfites,
au goût d'hémoglobine à nos lèvres meurtries,
sans préjuger des fards de ceux qui prirent fuite.

Du dix huit mars en fête au mur des fédérés,
et de l'hôtel de ville à la rue Ramponeau,
on ne vécut en fait que d'un rêve éveillé,
que les réalités en vrille altèrent bien trop tôt :

Il y eut
   ces otages
                   sacrifiés
                               sur l'autel
révolu
des carnages
                    justifiés
                               par un tel...

Mais le cœur de Paris, soudain, s'est animé
d'une ferveur étrange aux couleurs de l'absinthe,
les artistes aussi, comme monsieur Courbet,
Laisser passer l'échange aux faveurs de leurs craintes.

Ce cher Adolphe Thiers, au prénom si logique,
eut comme syllogisme en filant à Versailles,
de préparer la guerre au peuple d'alcooliques
moquant son dur cynisme, et cheveux en bataille.
Nos temps sont durs, parfois, aux retours de bâton,
Le mur des fédérés, la cour de la Roquette,
gardent des pavés froids, couleur de répression
du sang des fusillés qui de couler n'arrête...

Trois mil cinq cents
Sans jugement,
               la cicatrice
            conservatrice,
                                la liberté ?
                       C'est cher payé...

Que reste-t-il
De ce grand deal ?
                  Jules Vallès
            et ses faiblesses ?
                                   Louise Michel,
                                J'écris pour elle...

Je pense ressentir comme une aimantation
pour la Jérusalem céleste aux idéaux,
et si Paris s'en tir', commune aimante à Sion,
Paris, c'est sûr, je l'aime, et leste à tous mes maux.

mardi 19 janvier 2010

Brazil





À Terry Gilliam,


Lorsque la machine est lancée, prête à broyer
ce que tous on chinait à l'orée de l'espoir
et de nos rêves d'or en Brazil aboyé,
c'est qu'une crève endort la pompe au cœur en poire..

C'est qu'une grippe enterre un tombereau de vœux
sous des verbes à taire et des compliments sots,
sous un sceau de raison sociale aux morveux
que nous fûmes – prison, l'élan privé de saut...

Car toute mécanique est en état grippal,
un beau jour se fait nique et s'enraye en un grain,
grain du sable du temps aux nuages gris-pâle,
papier journellement pressé, kiosque en écrin...

Les rêves s'écrivaient sur du papier mâché
par les dents que revêt la mâchoire du monde,
à même hachoir l'amour, dont on a fait marché,
ne marche plus qu'homme ourdi de pinces immondes.

Ô Brazil ! Braise il est de notre feu profond !
Si tant est qu'exilée, nous la fassions jaillir
au creux de nos foyers, à l'ocre d'un greffon
où l'ogre faux-fuyait : oh ! Fait nous tressaillir !

Redonne-nous les ailes !
-----------------------------Les ailes du désir !
Les tangents parallèles
----------------------------pour voler d'un plaisir
élenfatin,
-------------piterpanesque,
-------------------------------à fleur d'hélice,
Rome-or en tain,
--------------panicarresque,
--------------------------------miroir d'Alice,
exupérysque et puéril !
----------------------------------Vol à la tire !
Et dans de chauds tricots stériles,
------------------------------l'aile elle attire !
Le corps au bord hâtif,
---------------------------re-permet-nous, planeurs,
les ronds itératifs
----------------------du zéro de pleine heure.

La frontière entre rêve et cauchemar est fine.
Le sommeil n'est que trêve aux tourbillons du vent
de nos réalités qui sont parties infimes
au grand tout délité du masque mis devant.

Et quant à la folie, nous ne savons rien d'elle !
Est-ce ce qui nous lie ? nous libère au contraire ?
J'ai bu des oiseaux flous flutés à titre d'ailes,
rendus que je renfloue, passereaux, passerelles,
Bouteilles dont la lie se déverse à la mer...

samedi 16 janvier 2010

L'oiseau de paradigme









Nous brouillons d'inculture un oiseau magnifique,
cadeau de la nature aux misérables nous,
lui qui reste debout malgré nos pets méphitiques,
nous roulons dans la boue de nos mœurs, pauvres gnous !

Il voyage en nos cœurs, sur leurs multiples branches,
et se fait mastiqueur de nos carreaux cassés,
lui, l'oiseau de la chance au bec en pique franche,
constatez sa constance à tout trèfle effeuillé !

Moi, je l'ai appelé « l'oiseau de paradigme » :
ses plumes épelées me font penser aux vers
de nos plus grands auteurs, à toutes leurs énigmes
qui prises de hauteur, prisent notre univers.

Son vol écervelé n'est rien d'autre que
les vœux dont ont vêlé – de nos intelligences –
les couleurs qu'on cuisine en pauvres maîtres-queue,
sur nos vies qu'on usine au plat de l'indigence...

Et son chant, pour parfait qu'il puisse nous paraître,
est fait de lits défaits, tessons de tessitures,
d'amants déçus dessous que l'on finit par être,
voies brisées pour deux sous, pour trente déniés durs...

Mais il ne plie jamais, l'oiseau, volant au voile
pudique et indiscret de notre grand partage,
des miettes de bonheur et cette fille à poil
dont la photo se meurt, flottant à notre étage...

mercredi 13 janvier 2010

Hispaniola





Je n'ai pas d'argent à donner pour Haïti (pauvreté) alors j'écris leur histoire afin d'émouvoir ceux qui ont l'argent pour donner.


Lorsque l'on constate une cicatrice
sur l'un des yeux du globe
andalou coup de rasoir à la Buňuel
la cica-triste frontière nord-sud qui fait partage de l'unicité d'une île
on se dit qu'elle a beaucoup souffert...
Hispaniola
c'est ainsi que la baptisa Colomb
venu instiller le poison d'une inextinguible faim catholique, blanche et apostolique
pour ce qui touche aux métaux précieux
et à la possession de ce qui ne devrait revenir à nul être
à nulle entité humaine
la terre nourricière
et l'âme
et le corps de l'Homme
si ce n'est à Elle
la terre nourricière
et à l'humanité toute entière.
Colomb donc
avec ou contre son gré
débuta l'éradication des indiens aborigènes d'Hispaniola
fidèle au culte du péché originel et de l'Adam chassé de l'Eden
en parlant de paradis espagnol
il apprit aux indigènes un concept qui leur était absent :
l'enfer.
Les fers
les fers brûlants de l'esclavage
de l'exploitation
de la scarification de la nature humaine et de la nature tout court
le fer de l'épée dont on connut le fil
emperlé d'indiens caraïbes
pourtant ce n'était pas Tahiti
mais Ayiti
« la montagne dans la mer »
Hispaniola...
Et le « pauvre » Colomb
– ah, mon colon, si tu savais ! –
broyé tout comme « ses » indiens par la machine sainte, catholique et apostolique
avide d'or comme Crassus
(qui le bu brûlant chez les parthes en guise d'extinguibilité)
avide de sucre comme un César empoisonné
le « pauvre » Colomb
avec son nom déjà rectal
l'eut dans l'os !
Hispaniola revint à la toute puissance de la sainte Espagne dont elle portait le pseudonyme.
Cette dernière organisa merveilleusement la traite des Wolofs
bêtes de somme immensément plus productives que les fientes indiennes disponibles
crevant trop vite de leur enfer
tandis que le bon neg'marron
importé des comptoirs d'Afrique
fournissait la main d'œuvre idéale
à coups de fouet
à coups de boutoir
à coût réduit
à bon bénéfice
à bon nègre, Bene Fils, Bene Père
et pour le reste l'esprit sain...
C'est ainsi qu'Hispaniola
île surnommée de Saint Domingue
et passée Ayiti
et future Haïti
se peupla des couleurs sombres de nos cousins sénégambiens
sur une ordonnance de Ferdinand
- retenez bien le nom de ce désar-roi
qui créa là le commerce triangulaire
retenez-le pour le vomir tous les matins
sur une tranche de pain béni –
c'est ainsi qu'Hispaniola devint
loin des rêves de Colomb
le premier camp de concentration.

Lorsque l'on constate une cicatrice
sur l'un des yeux du globe
andalou coup de rasoir à la Buňuel
la cica-triste frontière nord-sud qui fait partage de l'unicité d'une île
on se demande ce qui l'a provoquée...
On fit beaucoup d'argent sur la canne à sucre ici
– tout le monde sait que Colomb avait menti sur l'or –
mais peu à peu l'avidité de l'or
tourna les regards des conquistadores
vers d'autres horizons
et de cette délétion
des vides d'ambitions
d'autres farfouillèrent à s'en remplir les fouilles
des boucaniers
des éleveurs à l'arrache
fournissant en viande les flibustiers français de l'île de la tortue
juste au-dessus
à coups de fouets toujours
à coups de hache
fournissant les dépeceurs des dépeceurs du nouveau monde
– car est ainsi faite la biologie qu'elle crée toujours un mal plus puissant que le mal –
toujours est-il que ces mercantiles français commencèrent à s'emparer de l'ouest d'Hispaniola.
Les champions maritimes de nos Louis
(qui ne furent pas d'or mais numérotés jusqu'au couperet)
encouragèrent cette ingérence
et peu à peu l'ouest de l'île devint un comptoir du pays dit des lumières
sans que ne change l'exploitation pour autant
la philosophie se trouve dans les livres
plus rarement dans les champs de canne à sucre...
C'est comme les révolutions !
Ceux qui les font crèvent
ceux qui les initient, comptent !
Il y a les comptables
les ouvriers
et les esclaves.
Ces trois classes sont travailleuses
Elles sont dirigées par ceux qui dirigent :
l'organisation est celle des camps de concentration
les comptables sont les capots
les esclaves ceux qui travaillent à en crever,
les ouvriers ceux qui les enterrent dans la fosse commune.
Vous voyez du changement dans l'ordre du monde, vous ?
On met parfois un peu de maquillage sur les lèvres des putes
mais les embrasser coûte toujours, malgré tout...
Coûte souvent la vie.
Au traité de Ryswick
– faire des traités sur des contrées de rêve dans des endroits aux noms de cauchemar –
le tiers Ouest d'Hispaniola fut reconnu français...
On y traitait le sucre mais aussi l'indigo
ô couleur subtile
extraite du sang du noir
– je ne sais pas si de mon sang sortirait l'indigo
de mon sang de blanc
qui est du même rouge –
puis vint la révolution
là-bas à la Bastille
puis vint Toussaint Louverture

- STOP – TOUSSAINT LOUVERTURE STOP -
- UN NEGRE VEUT REGIR UNE DEPENDANCE DE LA REPUBLIQUE STOP -
- LE COMITE PEUT-IL ADMETTRE CECI ? STOP -

Des révoltes cimarrones qu'un ami me conta, je prends mieux écho.
Le comité des insalubres publics finit par admettre...
Toussaint – quel inénarrable pied-de-nez à la sainte et catho et aposto – fut
nommé
« Gouverneur par la France, après avoir rétabli la paix »
« rétablit la prospérité par des mesures audacieuses »
Puis sur une une traîtrise de Dessalines, autre chef noir
– comme quoi les noirs se trahissent entre eux comme les blancs –
Il mourra en exil napoléonien
dans le Jura
d'un mal au dent
d'un mal au joues
au château de Joux
quand les dents de sagesse poussent en Haïti
il est difficile de trouver le bon analgésique...
Et le dit Dessalines devint « empereur »
d'Haïti
quelle blague !

Et ce sombre con de Rochambaud
l'homme qui change d'uniforme plus vite que son ombre !
Le faiseur impénitent de troubles partout
le nul en leçons de guerre comme en philosophie
mais dont on est fier parce qu'il a aidé à la naissance des états unis d'Amérique
c'est à dire d'un tyran
ce sombre con de Rochambaud a cru pouvoir triompher avec élégance de la négritude
mais s'est fait grillé la peau des couilles au point de dire
« Haïti est indépendante ! »
1804
Qui sait que le premier janvier 1804
Haïti fut la première république noire indépendante et libre ?
Qui sait cela ?
Qui sait cela parmi les vendeurs de rêves ou de rap ?
Dans l'histoire de Malcolm X
j'aime l'introspection de sa propre histoire
Ce garçon, pour peu qu'il fut provocateur
était dans une quête de compréhension
qui nous éclaire aujourd'hui.
Et dans sa quête
il comprit
que les peuples n'ont d'autre couleur que celle de leur souffrance
et que cette couleur
et souvent rouge sanguine
la couleur de leur souffrance
et qu'il n'est nulle couleur de peau
à pouvoir l'imiter.
Et qu'Haïti
après toutes ses dictatures
après le génie du père Aristide
espère comme nous espérons tous de la vie
des jours meilleurs
des jours moins pauvres
secouez vos bourses, vous les gens dont elles tintent !
Moi ? Je suis le frère de mes pauvres que j'imagine errer sans foyer
moi ? Je les imagine héritiers des tortures des tontons macoutes
et parfois je me prends pour Colomb
je m'imagine à refaire un monde avec eux
débarquant d'une Europe où j'ai fais mourir la religion
pour partager leur sort
pauvre contre pauvre
mais avec un abri
avec un avenir
avec un endroit où dormir
et ma foi dans leur devenir.

lundi 11 janvier 2010

Quand l'imminence grise






A Charles Ives,
Fantastique musicien découvert après sa mort...


Rester tel un sapin, cercueil qu'on électrise,
à s'émietter le pain, le vin, de neige et d'âme,
un vigilant sapeur épris du macadam :
qu'importerait sa peur si l'imminence grise ?

Rester œuvrer dans l'ombre, aux soleils du secret,
dont le triomphe sombre est un vaisseau fantôme,
est une sinécure instillée d'hématomes,
mais point n'est de piqure à guérir le discret...

Il sait de la patience une leçon fortuite :
la mort est une science où tant sont ignorants,
que de notre existence en faibles rats errants,
ne reste que la stance en prix de nos conduites.

Il sait que son travail n'est pas du quotidien,
et qu'il n'est rien que vaille une tranche de l'art,
crevant la gueule ouverte, ô trouble vicelard,
si lui travaille à perte, un monde est rimbaldien...

Mais nul ne peut l'entendre, il sert ses harmonies
à sa carte du tendre où git un signe indien,
et des notes – globule en sphère, rimbaldien –,
se fabrique une bulle où m'est toute arme honnie.

Alors, si décéder est la voie que l'on prise
pour pouvoir exister sur ces chemins obscurs,
ne soyons pas inquiets, la mort est le plus sûr !
Ceux de l'art restent quiets : car l'imminence grise.

samedi 9 janvier 2010

Egoïste






A défaut de connaître les règles du « Je »,
j'en sais se battre l'être à coups de fléaux,
et se tordre le cou dans le spasme orageux
de la plaie qu'on recoud pour un vain reflet haut...

A défaut de savoir comme on s'aime soi-même,
mes si pauvres pouvoirs sont à ma noire amante :
l'encre ; aux pattes de moche, ajoutons mes pieds blêmes,
et mon vert-de-gris boche aux tranchées amarantes...

Un jour, à court de vie, je cesserai mon bruit ;
quand le crayon dévie, pour ne laisser qu'un trait
en lieu de signature, alors on s'est enfuit...

Mais de cette rature, adressant à jamais
à de super Nobel une explosive liste,
mon âme sera belle à tout plein d'égoïstes.

vendredi 8 janvier 2010

Mutique





On pose du silence entre diverses notes,
qu'on perd dans un cil, anse à tant de baies de vœux,
ayant la mère à boire en un jeu de quenotte,
et trois janviers, déboire où décède l'aveu...

Donc pause, dut-elle en sortir anorexique,
d'un vide tutellant le poids de nos absences,
ne m'est ni plus ni moins que ce produit toxique
dont je me fais le joint pour retrouver du sens.

Tous ces creux sont des plains où coulent des rivières,
jamais l'on ne se plaint de nuits passées trop seul,
ni de leurs léthargies, ni de rêves d'hier.

Si dans ces syzygies où sommeille un linceul,
je me drape de blanc pour masquer mes brûlures,
c'est pour le faux-semblant propre à tous ceux qui l'eurent...

jeudi 7 janvier 2010

Soul-ô-graphie !




Cela faisait une éternité que je n'avais pas écrit de chanson. En voici une ! Sur Aretha, ça vous donne une idée :



Bougez des hanches !
----------------------Ondulez doux !
-------------------------------------Oh, oui ! ça y est !
En avalanche,
---------------------oubliez tout :
-------------------------------------le monde est niais !

Couleurs de peaux ? Trancheurs de veines ?
Aucun de nous n'a le sang bleu !
Certains n'ont même pas de vaine,
mais ont du sentiment, morbleu !
Coupeurs de joints, coffreurs de marche !
Trémoussez-vous dans l'escalier !
Noé fait place dans son arche
à tous les gardes fous alliés.


Bougez des hanches !
----------------------Ondulez doux !
-------------------------------------Oh, oui ! ça y est !
En avalanche,
---------------------oubliez tout :
-------------------------------------le monde est niais !

Et vous les filles maltraitées :
brûlez d'usines à la drague,
que vos déchêts soient retraités
et nos baisers aux terrains vagues.
Allez ! Black ou blanche ou beurre,
remue ton cul dessous ta blouse
de sots métiers, de durs labeurs,
remue ton cul dessus le blues !


Bougez des hanches !
----------------------Ondulez doux !
-------------------------------------Oh, oui ! ça y est !
En avalanche,
---------------------oubliez tout :
-------------------------------------le monde est niais !

Et nous les gars, regardons-les,
faisons-nous fi des jalousies
sur ces silhouettes pommelées,
laissons la soul aux fantaisies !
Laissons-les donc nous rendre idiots,
je ne connais pas d'autre idiome
ni d'autre langue à ce rafiot,
et ça : depuis que je suis môme.


Bougez des hanches !
----------------------Ondulez doux !
-------------------------------------Oh, oui ! ça y est !
En avalanche,
---------------------oubliez tout :
-------------------------------------le monde est niais !

mercredi 6 janvier 2010

Arabesque






Pourquoi ne plus tourner les uns autour des autres,
sans jamais se toucher que d'un mot, d'un regard ?
et que d'une arabesque ou d'une patenôtre,
s'enfuisse en un soupir un train sans prendre gare...

Pourquoi précipiter ? comme un produit chimique ?
l'amour décapité n'a saveur que de sang,
dont l'humeur a varié au gré de nos mimiques,
où décors à marier paraissent indécents.

En ignorant les fers que le sexe a forgés,
peu à peu l'on s'enferre au creux de solitudes
dont nul ne peut jamais, vraiment se rengorger,
dont chacun se voudrait en preneur d'altitude...

Pauvres aérostats : vous êtes des baudruches !
Faut-il un rhéostat dans votre trou du cul
pour que de vos chaleurs, sans vos fientes d'autruche,
subsiste quelque ardeur à vous voir convaincus ?

L'amour est orphelin de son acte d'aimer,
qui n'était qu'un vélin pour sa belle arabesque,
et qu'on a raturé d'un trait d'arc anémié,
dont on fit un baiser à saveur de latex...

Cupidon sous dialyse et Vénus éclipsée,
l'effroi nous paralyse et le charme est rompu,
le froid nous prend au corps et l'amour est clipsé !
Mais j'imagine encore un accord impromptu.

mardi 5 janvier 2010

La plage





Je regarde un enfant farfouillant sur la plage
– mon cerveau s'est peuplé de bonheurs estivaux,
ma trompe d'oliphant, Saint Eustache à la nage –,
j'entends son doigt criblé par ces grains de pavot.

Il écrit : en naissant en naissain d'océan,
à poser une empreinte à l'embrun littoral,
on trace, évanescent, sur le sable céans,
les pas de notre étreinte à l'emprunt littéral...

Et sous le ciel d'azur du regard de sa mère,
recrée la mélodie des gemmes musicales,
de cristaux en brisure, ô coquille éphémère !

Mais que d'amours vainqueurs me vouent aux gémonies !
S'ils avaient lu le dit du doigt de l'enfant sale,
Ils m'eurent su par cœur, par ceux que j'aime honni.

lundi 4 janvier 2010

Mieux communs






à Matthieu,

Les longues galeries de portraits sans Gauguin,
sont peuplées de lourdeurs et de fats potentats,
dont la cavalerie – tricheurs ! – appartint à
la crasse des seigneurs et des vassaux sans gains.

Les poulpes du bateau sont ainsi peu ou prou,
non point nos guides mais, des pantins à nos rênes,
des printemps aussitôt, s'encornent à leurs règnes,
même les mois de mai figurent à leurs proues !

Taisons les dictateurs et les dictées bâclées :
mes fautes d'orthographe, à la droite du verbe,
sont compliments tâteurs d'objets trouvés dans l'herbe
du plus fin calligraphe et de son Paraclet.

Taisons la forfaiture et ses odieux mensonges :
croyons en nos cités où nul ne quémanda ;
puisque l'effort fait dure au-delà d'un mandat,
vivons nos densités comme il en est d'un songe.

dimanche 3 janvier 2010

Cheminot qu'à tes nerfs !


Certains, lisant ceci, finiront en beaux vieux,
amassant les clichés de leurs petits enfants
– qu'ils compulseront trop de ces mêmes beaux yeux –
les tenant par la main, au seuil de leur néant.

Je ne sais s'il faudrait les envier de ce sort :
combien de ceux que j'aime ont loupé mes minots ?
Si la vie n'obéit qu'à la loi de la mort,
de ce chemin d'enfer, je suis donc cheminot.

Si ne tient qu'à tes nerfs, lecteur, que je déraille,
que mon entrain plombé faussement ne t'aiguille,
laisse donc faire, alors, que ton rêve ailleurs aille...

Laisse aux pluies imprévues leurs coups, l'œuvre d'anguilles,
et tous les serpentins non-sus d'un nouvel-an,
ni l'âne ni le bœuf n'eurent dieux en vêlant...