samedi 27 février 2010

Evangéline





L'Acadie
– qui n'est donc que dédit d'un cadeau dit caduc –
tient son nom d'un explorateur un peu poète
auquel les frondaisons ultratlantiques inspirèrent
la vision de l'antique Arcadie
qu'une Colchide dans l'après éduque
en oubliant d'un distrait air
et d'un trait l' « r »
indigène
indigent
qu'il n'est d'Utopie que dans le roman de sir Thomas More
et que les pays de tous les rêves deviennent ceux des pires cauchemars
traînant leurs paquets d'illusions perdues et leurs kilos de morts
et la géhenne de peuples dont on brise les amarres.
L'Acadie
n'était au départ que la lèvre inférieure de la bouche du Saint-Laurent
sensuelle à souhait
avant que d'être tuméfiée
par les coups du sort
et par la bêtise humaine.
Y vivaient des immigrants français
putes et malandrins enrôlés de force par les troupes du Roy
et leur descendance fortuite
pour inventer le nouveau monde
auprès des indiens Micmacs
– ce nom ne s'invente pas ! C'est celui des vrais acadiens, des premiers dans la place –
qui moi, m'auraient fait perdre Montcalm !
mais que des traités abscons voulurent qu'on remplace...
Un empire sur lequel le soleil ne se coucherait jamais sinon qu'avec un sacré mal de ventre
décida d'éradiquer les arrivés pour d'autres arrivants
et ce fut le Grand Dérangement :
on déporta des familles, des masses et des populations
dans des conditions inimaginables
afin de cureter une culture déjà métissée
de lieux incultes où la France et le Canada s'aimaient tissés.
Ainsi fut le drame de l'Acadie, qu'une couronne dont on eut peut-être tort de ne jamais couper la tête
voulut rayer de la carte du monde comme d'autres avant et d'autres après
– du désastre de Massada, de la destruction du temple préludant à la seconde et grande diaspora juive, sous Vespasien (au nom de chiottes)
au grand exil de ceux qui réchappèrent au génocide arménien –
et de ses enfants dont un grand auteur écrivit l'histoire
peut-être imaginée mais qu'importe
d'Evangéline
et de son amour dispersé par le vent mauvais de l'histoire en marche forcée
d'Evangéline et de sa bonne parole
une de ses romances amoureuses qui font pleurer les Emma Bovary modernes
et les Flaubert de pacotille
une de ces passions qui font rêver au filtre du mal quotidien que l'on édulcore
une de ces images d'actualité qui sont le fond-de-commerce des prestidigitateurs de l'info
Evangéline
la petite acadienne
et qu'à c'la n'tienne !
la vie n'est qu'un miroir déformant de nos désirs.
Et les déportations de masse un pis-aller à des manques de plaisir.
Du poème épique de Longfellow
Evangéline
est la représentation de nos errances têtues
où prône l'abnégation de pauvres certitudes humaines
où nul événement
où nul séisme
où rien ne peut contrecarrer les vertus de la fidélité
ni celles de la foi
en quoi que ce soit
– l'amour, ou toute autre chose,
nos convictions
nos idéaux
bref
ce que nous sommes par nous mêmes et pour les autres.
Evangéline finit par atterrir en Louisiane.
Il me semble que ses yeux n'avaient pas changé leur couleur
bleue
ni que ses tâches de rousseur se fussent accrues ni amoindries.
Elle passait un linge sur le front de son amant retrouvé
par-delà les fleuves traversés du nouveau monde
et les messies-pipi de l'esclavage.
Ils étaient en Acadiane
chasseresse
et firent comprendre au monde entier
que l'Acadie
pays de cocagne
rêvé
imaginé
vécu du bout des lèvres
était le pays le plus merveilleux :
un pays sans frontières
donc un pays sans limites
un pays survivant aux mesquineries de l'ordre social
un pays bâti par l'ordre de l'appartenance
à lui
à soi
aux uns et aux autres.
L'explorateur avait vu juste !
Sous les frondaisons qui virent s'aimer les premiers acadiens
qui virent les amours bâtardes des occidentaux et des indiens
qui virent des cœurs se graver en leur écorce
qui virèrent au vinaigre empoissés par la force
réside l'espoir immense d'un nouveau monde réel
que ne salirent jamais ni larmes ni fiel
et qui nous parvient encore aujourd'hui
dans le combat d'Evangéline
et dans ma logorrhée saline
et dans le songe d'Acadie.

3 commentaires:

Morgan a dit…

Et le caddie avec lequel on fait les courses, ça n'a rien à voir ?
Et le jeu de Jacques a dit, non plus ?
On m'aurait donc menti !

youyou a dit…

et ben... ça fait un bail !!!
je vois que tu es toujours aussi actif et ça me plait...
Je vois que j'ai pas mal de retard de lecture, je vais m'y atteler dart d'art...

Youssef

Michel P a dit…

@ Morgan > Pffffffffffffff :-D

@ Youssef > Cela me fait un plaisir fou de te voir venir traîner sur mes partitions. J'ai toujours pensé que tu étais un mec super, plus ça va, plus j'en suis convaincu.