jeudi 12 août 2010

Dendrogramme



(Cliquez sur l'image afin de l'agrandir)


Ceci est un "Dendrogramme", c'est à dire une écriture en forme d'arbre.
Cela faisait un bon petit bout de temps que je cherchais le moyen de déstructurer non le vers, mais l'organisation du poème elle-même, à offrir un autre - plusieurs autres ? - point de vue au lecteur sur une œuvre littéraire, à m'émanciper de la linéarité dictatrice du fil de l'encre, comme auparavant le firent les cubistes de la fixité de l'image saisie.
A cette époque déjà, Apollinaire et ses calligrammes, Maïakovski et ses escaliers aux rimes internes, cherchèrent à embrayer - dans la grande vague du modernisme - la vitesse d'une écriture tridimensionnelle.
J'ai beaucoup appris à leur lecture, j'ai saisi leur soucis et leur recherche et m'en suis proprement imprégné.
J'ai beaucoup écrit en escalier et réalisé un nombre de calligrammes supérieur à celui de mon glorieux prédécesseur. Avec toujours ce sentiment de quête inaboutie...
Le calligramme est une voie achevée de la dimension littéraire : Apo' avait parfaitement choisi son nom, car il suggère la calligraphie - art de tracer la lettre belle - en ce que sa beauté réside dans la capacité que nous avons à disposer l'ensemble du texte lui-même en un signifiant évident. Mais il laisse le texte sous la contrainte de la forme globale, et s'il le figure autrement, cette figure reste bidimensionnelle. Le calligramme ne fera pas d'enfant : il est un art en soi que je vénère, que j'adore pratiquer, un art pour lui-même.
Volodia Maïakovski a poussé sa recherche sur une autre voie : celle de la déstructuration du vers, afin de faire apparaître une verticalité transversale au fil de son écriture. Par la rime entre autres... Par la suggestion aussi... Son rôle dans l'évolution destructurée de l'écriture poétique est faramineuse ! Le lire en Octobre 2005 me fut une incroyable révolution. Mais d'écrire aussi par escaliers ne me satisfit jamais totalement : cet artifice laissait toujours, au final, la linéarité reprendre son droit.
Durant mon exil et ma retraite normande de cette semaine, j'ai été amené à la lecture du roman de Dan Franck, "Bohèmes", contant l'itinéraire des artistes initiateurs de l'art contemporain (entre 1900 et 1930). Passionnant. Et évidemment, je fus interpellé par les deux créateurs du cubisme : Picasso et Braque.
C'est l'explicitation par l'auteur de la profondeur de leur recherche qui a produit un déclic chez moi.
Je dois vous préciser que la première partie de mon existence adulte fut consacrée à l'enseignement pour ces mêmes adultes... De fortes responsabilités au sein d'un dispositif pilote, m'enjoignirent à m'ouvrir à des méthodes considérées comme révolutionnaires. Parmi celles-ci, je m'intéressai particulièrement à celle du mind mapping - ou méthode heuristique - développée par Tony Buzan. J'en devins même un spécialiste au point de posséder le logiciel qui m'a permis de numériser - l'original est manuscrit - le "Dendrogramme" ci-dessus. Mais de là à faire le lien entre la poésie et technique d'organisation, il était un gouffre !
Un gouffre que j'ai franchi en saisissant une question fondamentale de la peinture.
Le "Dendrogramme" est un poème qui n'a de sens de lecture que celui que son lecteur choisit : suivez une branche ; revenez ensuite à celle maîtresse d'où vous aviez bifurqué... Faîtes comme bon vous semble : le "Dendrogramme" est un poème dont vous êtes acteurs ! Il est à la fois unique et multiple selon chacun de ses points de vue, selon les combinaisons que vous saurez trouver. Il n'enferme pas le texte au sein d'une image : c'est le texte qui crée l'image globale. Il n'est pas compliqué mais complexe : à l'age de la théorie du chaos, nous devons nous efforcer d'une approche systémique qui privilégie la perception globale par toutes les voies offertes des approches analytiques. Et plus encore...
Je lui ai choisi ce nom pour sa forme arborescente, mais chacun sentira d'évidence son aspect labyrinthique. Je travaille en ce moment même à sa conversion sur un logiciel heuristique en 3D ; il deviendra alors ce que j'aurai le plaisir d'intituler - merci Monsieur Pratt de me laisser emprunter cette expression ("MÛ", Corto Maltese) - un "Labyrinthe harmonique".
Bien entendu, dans la création que je vous livre ce soir, l'arbre est dichotome (chaque branche en donne deux), ces dites branches sont des vers octosyllabiques disposés en sorte de rimer de façon suivie. Mais ce ne sont dans ce cas présent que des règles que je me suis imposées... afin de faire ainsi que beau me semble.
Le reste est libre !
J'aurais pu mettre une marque déposée sur le terme "Dendrogramme", mais ce serait bien mal me connaître. Je ne travaille pas pour moi : je travaille pour que notre art avance.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Une interactivité bien dans l'air du temps. vag