mercredi 4 août 2010

La volante








À Hugo, mon fils.


Ce n'est pas chercher à plaire
il est trop tard quand il a plu
ce n'est pas chercher à faire
pleurer, quand on en fit des fûts
et des défis défunts
et des faims et des fins
et des points à la ligne
et des mouches voletant comme au cou de nos signes
péchés originels
inclinations insignes
et pâles ritournelles
rythmées par les quatre temps de la pêche au lancer
– métronome au monde
en regardant son fils fouetter l'air de sa soie sans se lasser –
et de la mélodie de la vie de tout être à la ronde.

Un jour
Mon Garçon
je t'expliquerai que quelque frontière que l'on franchisse
on est rattrapé par la volante
un jour que tu t'abreuveras de cette encre
comme des rivières coulant au creux des lies de l'existence
parfois
ainsi que l'étaient le Styx et le Léthé
dans les veines du marbre des théogonies hellènes
dans l'écriture d'Homère dont on ne sait s'il écrivit ni s'il vécut vraiment
dans les fables d'Hésiode entre l'oubli et la haine
la Terre est innervée d'eau pour que nul élément ne soit dissociable de l'autre
nous n'en sommes que ses pantins brutaux
au théâtre de l'incompréhension
tirés à quatre fils
à quatre épingles
aux épines de la rose alchimique
où nos âmes sont ornées de plumes de coqs
pour faire mouche comme sur des lèvres de courtisanes
ou piquées à celles des salmonidés
la rose du péché...
la Rose, comme à Pont-Croix
cet endroit magique où je t'appris les gestes élémentaires de la pêche à l'anglaise
la Rose que l'on dit aussi « dour marc'ho » – les eaux de la mort –
comme quoi la mythologie n'est jamais loin...
Je t'apprendrai par ces mots ainsi que je le fis par les gestes
que le fil que nous tendons au-dessus de la surface d'un miroir
est la vraie réponse à nos interrogations sur nous :
peut-on percer ? transpercer ? la peau liquide de ce qui nous fuit comme une anguille ?
chaque truite attrapée t'en sera le mystère en cours d'accomplissement...
Chaque pratique prend son sens au regard de ce qu'elle recouvre
même la plus anodine.
Nous ne sommes pas ce que nous pensons, mais ce que nous faisons.
Depuis les vêpres des prés – sauterelle oubliée –
jusqu'aux leurres usités des éclats de ta bouche
il n'y a canne dépliée
que pour que tu prennes la mouche.

Ce n'est pas pour chercher à plaire
c'est bien mieux avant qu'il n'ait plu !
lorsque l'orage gronde en l'air
des poissons, il y en a plus !
Et des fils (des fins)
s'emmêlant insidieusement aux cieux incertains
prouvent notre impatience
les fils emmêlés sont les secrets de nos enfances !
C'est en apprenant à les dénouer
doucement
avec méticulosité
en défaisant les entrelacs
que l'on apprend sur soi.
Et qu'enfin
on peut se mettre à pêcher les truites
sur les rivières de Dieu
les espérant instruites
de notre quête du Mieux.

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