samedi 2 juin 2012

Le petit bois de Trohonan (republication)


Au petit bois de Trohonan,
J'ai vu l'horreur dans son linceul,
C'était au temps des résistants,
Je m'opposai, mais j'étais seul...

C'était au temps des résistants,
C'était au temps de la victoire,
Quand toujours aux derniers moments,
D'autres se joignent à la gloire.

Quand toujours aux derniers moments,
Pour des lauriers imaginaires,
Des diables s'habillaient de blanc,
Dans la vindicte populaire.

Des diables s'habillaient de blanc,
Après des années de silence,
Ils amplifiaient les cris stridents,
De ceux qu'on entendait en France.

Ils amplifiaient les cris stridents,
J'ai entendu tomber l'insulte,
Le crachat, le geste violent,
Sur cette enfant à peine adulte.

Le crachat, le geste violent,
Ombrageant ces jolis yeux clairs,
Plaisant aux officiers all'mands,
Comme aux garçons du Finistère.

Plaisant aux officiers all'mands,
C'était son crime inexpugnable,
Ell' devait payer au comptant,
Comme une putain véritable.

Ell' devait payer au comptant,
De cette humiliation publique,
Etre d'eux tous un défoul'ment,
Une excuse à l'autocritique.

Etre d'eux tous un défoul'ment,
Tondue comme un enfant pouilleux,
De ses jolis cheveux tombant,
Comme les larmes de mes yeux.

De ses jolis cheveux tombant,
Remplacés par la croix gammée,
Objet de pseudo-résistants,
Devant la ville et ses huées.

Objet de pseudo-résistants,
J'avais dit non, non, s'il vous plaît !
Mais la foule d'un seul tenant,
De sa haine me repoussait.

Mais la foule d'un seul tenant,
Riait, riait, riait, riait !
Quand les trois suppôts de Satan,
La bousculaient, la malmenaient.

Quand les trois suppôts de Satan,
Décidèrent de l'emmener,
Mon oeil, de pleur encor brillant,
Mon coeur, de peur crut tressauter.

Mon oeil, de pleur encor brillant,
Les vit la mettre en camionnette,
Et d'angoisse, mon coeur battant,
Prendre la route de Plouhinec.

Et d'angoisse, mon coeur battant,
Comme un tambour, sut disparaître,
Sur l'autre rive, à Trohonan,
Cette esclave en proie à ses maîtres.

Sur l'autre rive, à Trohonan,
Mes jambes trop vieilles, trop lentes,
J'accourus tel un pénitent,
De tant de faiblesse et d'attente.

J'accourus tel un pénitent,
Sur l'autre rive et dans le bois,
Je vis retourné fraîchement,
L'humus d'un drame en cet endroit.

Je vis retourné fraîchement,
L'humus que mes ongles grattèrent,
Et le joli corps pantelant,
Que mes rivières nettoyèrent.

Et le joli corps pantelant,
Victime des derniers outrages,
Se reposait solidement,
Dans mes bras solides et larges.

Il reposait solidement,
Recouvert du caban marin,
Qui avait vu l'extrême Orient,
Pour finir sur ce joli sein.

Il avait vu l'extrême Orient,
Mais c'était sans extrême-onction,
Que je portais à ses parents,
La chair de cette enfant sans nom.

Je la portais à ses parents,
Statues de honte et d'émotion,
Dont la douleur en cet instant,
Faisait écho à sa passion.

De leur douleur en cet instant,
Point question n'était de justice,
Car dans l'ivresse du moment,
Elle était punie par son vice.

Car dans l'ivresse du moment,
Trois monstres se frappaient le ventre,
Protégés par les faux-semblants,
Des lieux dont ils étaient le centre.

Protégés par les faux-semblants,
D'une France enfin libérée,
Où ces petits débordements,
Devaient être dissimulés.

Dans ces petits débordements,
En peine de preuve à fournir,
Je fis prière et fis serment,
Et de par trois fois les maudire !

Je fis prière et fis serment,
Sachant leur avenir morbide,
Que mon arrièr' petit enfant,
Raconte un jour leur fin sordide.

Que mon arrièr' petit enfant,
Porteur de mémoire héritée,
Montre le bois de Trohonan,
A l'enfant qu'il va protéger.


Michel P © 2005

Aucun commentaire: