dimanche 28 avril 2013

L'île sein luit

Georgia on My Mind by Ray Charles on Grooveshark





Je voguai dans les rues aux senteurs quotidiennes
– démarche chaloupée mais allongée, méridienne –
en recherche d'érudits en catalepsie
ou d'autres Khans, happés par le divan d'un psy'...

Je naviguai donc à vue sur le haut quai Bourbon,
sur cette île imprévue qui malgré ses haubans,
a la forme d'un œil ou celle d'un bonbon,
dont les cils ont l'orgueil des poupées en rubans...

Je passai près d'ateliers oubliés sous l'eau,
de la Belle Camille et d'artistes saoulots,
des trop-pleins saisonniers et des crues de l'an Dix,
qu'en momies camomille Apollinaire ait fils !

J'emplissais mes poumons de liqueurs amniotiques,
car la Seine en son sein guérit l'apoplectique
(je suis comme un mormon dont mon mort est vivant
et mon Louis dort enceint de moi petit-enfant).

Je tétais, m'entêtais et l'ai toujours en tête,
Elle dont le sein luit – adverbe en épithète –
et qui se fait l'étai du reste de Paris,
et qui se fond en pluie dans mes vers équarris.

Je dérive aujourd'hui de sa rive à ma vie,
« mais comment est l'été ? » La question me ravit ;
ne sachant qui conduit les barques des absents,
je remets au Léthé pour cette île mon sang.

samedi 27 avril 2013

Re-Wind


Il tombe comme nous puis se relève encore,
et pourtant sans genoux puisqu'il n'est que semelles,
se gonfle de grands airs – ce qui lui donne corps –
et parcours les déserts de sable et d'eau qu'il mêle.

On le dit grand prophète aussi parce qu'apatride
qu'écoute le poète afin de le traduire,
il burine les peaux et les petites rides,
ce Monde est un dépôt de ce qu'il put enduire.

Il sait tourner la tête à bien plus d'un amant,
oriente la girouette au gré de ses caprices,
il fait siffler la flèche en chaque monument,
sa rose le pourlèche, Éros est son hybris.

On le traite souvent d'éternel indécis,
de puissant soulevant d'inutiles montagnes,
mais fort de composer avec des « Hein », des « Si »,
il est doux des baisers qu'il envoie de Bretagne.

En mon for intérieur je le sais messager,
je lui suis inférieur mais le suis droit devant,
je ne peux me lasser de son tout partagé
et tiens à le placer au grand soleil, le Vent.

vendredi 26 avril 2013

La peur du vide (republication - texte de l'automne 2005)


Vous êtes-vous déjà penché
Au dessus de ces précipices,
Sans garde-fou ni parapets,
Apparemment, cent pas de vices ?

Avez-vous un jour éprouvé
Ce tremblement le long des cuisses,
Quand le sol vient se dérober
Comme une trappe et que l'on glisse ?

Votre angoisse a-t-elle laissé
Votre regard, vers les abysses,
Comme un serpent se faufiler,
Là où les infinis finissent ?

Car tel est froid le gouffre bé,
La bouche ouverte aux lèvres lisses,
Qui avala d'un seul baiser
L'univers de nos artifices.

Et d'un seul cri tout résumer,
De toutes nos peurs, la notice,
Dans le néant tout embraser
De flammes purificatrices.

Pour de joyeux autodafé,
Peuplés de viols et de sévices,
Certains nageurs ont traversé
Les déserts de la catharsis.

Mais quel vertige n'a touché
Celui qui cherche l'orifice
De son tunnel de la pensée,
Du vide dont il est le fils ?

Mais quel humain n'a espéré
Tirer un jour le bénéfice
De pouvoir enfin exhumer
La cité perdue d'Atlantis ?

Ne sommes-nous pas ainsi faits
De nos cerveaux qui ralentissent,
Par trop peuplés de ces idées,
Des cités qu'elles engloutissent ?

Les beaux jours

Beautiful days by Venus on Grooveshark



(Primevère, appelée "fleur de lait" en langue bretonne)



En ce printemps transméridien,
Paris-Normand ne fut pas beau :
sorties de leur hiver indien,
deux régions boitaient d'un pied bot.

Si des congères métastasent
l'effroi des illusions figées,
j'en connais d'autres dans l'extase
mimant cet an neuf affligé.

Je laisse aller l'extrême-onction
sur un glacis rendu stérile,
car bien trop long pour la jonction
de Mars à la planète Avril.

Je l'ai salée mon addition
entre la Bretagne et Paris,
les beaux jours dont j'ai l'addiction,
tardent souvent en Normandie.

Dans cette douceur printanière,
ici déjà tant attendue
qu'on l'eut crue sombrant dans l'ornière
de Proust et de son temps perdu,

dans cette inespérée lumière,
caressant en langue gourmande
nos pâleurs de crème fermière
dans une pâture normande,

Je laisse aller mes sensations
au rythme du chant des oiseaux,
et ma mémoire aux pulsations
des maux cachés sous le boisseau.

Je l'ai salée mon addition
entre la Bretagne et Paris,
les beaux jours dont j'ai l'addiction,
tardent souvent en Normandie.

Malgré ma nature endormie,
j'embourgeonne en grattant mes feuilles,
ce qui restait placide hormis
ce mouvement qui les recueille.

Et les secondes s'effilochent,
fuyant des crevures d'un pneu,
carillonnant comme des cloches :
fracas gordien et concept nœud.

Je laisse aller à m'Asperger
des rayons d'un être solaire,
des vers de «Jadis et naguère »,
de Verlaine et de Baudelaire.

Je l'ai salée mon addition
entre la Bretagne et Paris,
les beaux jours dont j'ai l'addiction,
tardent souvent en Normandie.

Un coucou pique à bout portant
de ses clochettes améthystes,
ce pourtant si frileux printemps
qui semblait serti d'âme autiste.

Les talus pleins de fleurs de lai
empoétisent le bocage,
mais dans ce soleil hors-délai,
j'ai froid de cette belle cage...

Je laisse aller mes intuitions
vers des compagnons d'évasion,
afin qu'ensemble nous puissions
briser ces verrous d'occasion.

Je l'ai salée mon addition
entre la Bretagne et Paris,
les beaux jours dont j'ai l'addiction,
tardent souvent en Normandie.

Où sont les nuits de mes vingt ans
(ces fallacieuses enivrées,
ces notes blanches s'inventant)
qui changeaient le grain en ivraie ?

Où sont les tiédeurs exaltantes ?
L'exhalaison des bouches vertes ?
Les herbes du Jardin des Plantes
et ses essences entrouvertes ?

Je laisse aller l'inspiration
de mes neurones résiduels ;
la vie n'est rien que Création
ou se battre soi-même en duel.

Je l'ai salée mon addition
entre la Bretagne et Paris,
les beaux jours dont j'ai l'addiction,
tardent souvent en Normandie.

Où sont donc mes folies berbères ?
Le pharaon de mes cigales ?
Paris comme un Petit-Robert,
nourrit ma fugue et mes fringales :

pour des gestations Bon Marché
lorsque la sève papillonne,
nous traversâmes harnachés
les fusions dont on vibrionne.

Je laisse aller l'inanition,
aujourd'hui que mes faims sont mortes,
et que mes mues en partition
offrent les clefs qu'un sol apporte.

Je l'ai salée mon addition
entre la Bretagne et Paris,
les beaux jours dont j'ai l'addiction,
tardent souvent en Normandie.

J'égraine ainsi qu'un vieux mélo'
le chapelet de mois, d'années,
s'étant écoulés comme l'eau
d'un ruisseau qui m'eut moi, damné.

Alors, je visite à rebours
ce temps déchu m'ayant moulé,
mes Waterloo, mes Pearl Harbour,
mes espoirs et mes camouflets.

Je laisse aller mes émotions
au tourbillon de la mémoire,
je n'ai ni magie, ni potion,
sinon ces mots pour mon grimoire...

Je l'ai salée mon addition
entre Paris et la Bretagne,
si des beaux jours j'ai l'addiction,
c'est bien en pays de Cocagne.

lundi 15 avril 2013

La jeune fille aux perles

The Song of the Sibyl by Dead Can Dance on Grooveshark




Alors, bleues ou vertes ? grasses des floraisons
sous lesquelles repose une charogne infâme ?
Prière héritée du temps de Delft, oraison,
j'ai leur implorescence et leur iris, ô Femme ;

car tes perles ourlées aux marées lacrymales,
ont le reflet de nacre où se mire un bijou,
et les creux de Vermeer dans la bosse où crient mâles,
sont des coups de pinceau dans le plein de tes joues.

Sur ta bouche entrouverte est marqué mon dédain
et l'imagination des saveurs oubliées,
découvertes tes dents ont des blancheurs d'étain
et ton goût porcelaine au biscuit tant plié ;

car tes perles ourlées aux marées lacrymales,
ont le reflet de nacre où se mire un bijou,
et les creux de Vermeer dans la bosse où crient mâles,
sont des coups de pinceau dans le plein de tes joues.

Si le maître a nanti d'un foutu troisième œil,
ton regard aérien d'un azur parfumé,
c'est qu'il n'est de couleurs dont il ne vit le deuil
sans les hydres honteux d'un désir enfumé ;

car tes perles ourlées aux marées lacrymales,
ont le reflet de nacre où se mire un bijou,
et les creux de Vermeer dans la bosse où crient mâles,
sont des coups de pinceau dans le plein de tes joues.

Tu reflètes si bien la fleur méléagrine,
qu'un Enfer viscéral a guidé ce dessein
sur ta courbure en flamme ou ma main pérégrine,
sur les lignes qui vont de ta bouche à tes seins ;

car tes perles ourlées aux marées lacrymales,
ont le reflet de nacre où se mire un bijou,
et les creux de Vermeer dans la bosse où crient mâles,
sont des coups de pinceau dans le plein de tes joues.

samedi 13 avril 2013

La douleur

Ta douleur by Camille on Grooveshark


Lorsque moins l'age est frais
                            dans l'ampleur
                                           du vécu
                                              de nos heures,
le fond de l'ère effraie
                         de grands pleurs
                                     les faux-culs
                                               des douleurs.

Je n'avais pas plus le sourd don
que la moindre intuition d'âme prédestinée,
le temps mort se sonne au bourdon
et le taon mord la plus vache des destinées.

J'étais le jouet des virus
et l'instrument d'archers tendus, érotomanes,
aux bas rayés – roulette russe –
je tendais quelques joints à des romanciers opiomanes...

M'instantanner de paper dû
semblait alors ma seule ardeur épistolaire ;
minc(e) temps tanné de pas perdus,
j'ai bu leur sable en balle où les coups pistolèrent.

Ils résonnaient, carillonnant,
pour un vil Dieu – l'à poil – dont l'ombre gesticule,
et des ferments vibrionnant,
pour des cadavres dont on fit des monticules.

Oh ! Mots nus...
Mot nu ment, oh mors ! Mû...
Mort aux dents longues,
j'ai dans ton crâne mes diphtongues.

J'ai l'essentiel
distillé de tes yeux de ciel
superflu,
j'ai bu ton super flux.

J'aurais pu marcher longuement,
m'arrêter sur le bord des cils peints halal khôl,
raconter comme un texte nous ment,
porté par une gorge-bouche ostréicole ;

j'aurais pu chavirer pour deux,
calfater ce bateau de goudrons absolus
pour qu'on en fisse quelques œufs,
un germe nucléaire à mes vers absous lus.

Mais j'avais hésité
                      du fado
                           sans remords,
                                           aux leçons
de monstruosité
                    d'un ado
                          dans le corps
                                   d'un vieux con.

lundi 8 avril 2013

Le chant de Béa triste

Piano Trio No. 2 in E flat major, D. 929 (Op. 100): Andante con moto by Schubert on Grooveshark




En Dante, andante,
En Dante, andante...
C'est la chanson de Béa triste,
Sa mélopée si fascinante,
Qu'aucun ténor ni camériste
Ne criblerait d'eau lancinante,
De larm(es) aux ondes terroristes
Brisant les bras des fainéantes
Que tes sculptur(es) – cher Evariste –
jonchèr(ent) de Vénus enivrantes.

En Dante, andante,
En Dante, andante...
Puisque l'amour – cet antéchrist –
Fit de ton Paradis l'Enfer,
Rappelle-toi des intégristes
Et de leur purgatoire en fer.
Rappelle-toi La Béa triste
Qu'il n'est de cage où l'on s'enferre
Sans fendre l'air d'un trait d'artiste
Ni de la flèche où l'on diffère.

En Dante,
j'ai les sons
des surprises
et des cris,
L'édentée
déraison
des sûr(es) crises
qu'on écrit,
Puis ainsi l'oraison des splendeurs éperdues
Tend la toile horizon de nos mondes perdus ;
Béa triste où es-tu ? Toi mon reflet d'argent
Dans le doux vitriol de mon sang détergent ?
J'ai tes chants – Béa Triste – imprégnés dans mes nerfs
Et ta corde vocale épandue dans l'éther.

En Dante, andante,
En Dante, andante...
J'ai dans les chants d'Alighieri,
De Notre-Dame à la Licorne
L'écho lilas, l'écholalie,
Et de ces pages qu'on écorne,
L'irrésistible poésie
d'où rejaillit l'objet dont s'orne
– heureux joyau de l'hérésie –
D'incarnat ton Amour sans bornes.




En Dante, andante,
En Dante, andante...
Point n'est Divine Comédie
A tous ces cœurs foulés du pied,
Que ces cochons qui s'en dédient
Dans un foutoir qui peu me sied ;
De belle Béa triste on dit
Qu'ondine elle s'est tuméfiée
Au creux d'un fleuve qui blondit
De blés aux graines émaciées.

En Dante,
j'ai les sons
des surprises
et des cris,
L'édentée
déraison
des sûr(es) crises
qu'on écrit,
Puis ainsi l'oraison des splendeurs éperdues
Tend la toile horizon de nos mondes perdus ;
Béa triste où es-tu ? Toi mon reflet d'argent
Dans le doux vitriol de mon sang détergent ?
J'ai tes chants – Béa Triste – imprégnés dans mes nerfs
Et ta corde vocale épandue dans l'éther.

mercredi 3 avril 2013

L'hiver indien




A Olivier et ses enfants,


Mercure est le dieu du thermomètre
et la couleur des ciels d'hiver
qui portent comme un endomètre
les clones que leur jupe itère
et que leurs œufs divers
– blancs-seings n'ayant trouvé le moindre maître –
chantent à tue-tête en quête d'un quelconque ictère.
A l'antipode des Grenadines
feux-mes sous-venir passent à l'orange – INA –
et si tant est que qui dort dîne
j'ai sous la cathédrale un peu de ses lolos, Gina !
Notre-Dame a retrouvé du Villedieu-les-poêles à gratter
lorsQUE sonnent les mÂtines
et Mercure – dieu du froid avec des semelles de vent d'est à mâter –
aux chromes astiqués par le gel à pierre fendre
chante du « Roman » de Rimbaud les « cavatines »
et des bassins vide du Luco et de la fontaine Saint-Michel
les dragons de glaces à pourfendre
et les hydres de learn en crab shell.
Le ciel est gris-bleu comme des yeux.
Les cieux sont bleu-gris comme l'acier.
Les pyramides de verre se mêlent à leurs armatures
aux nuages enivrant
à l'éther émacié
par nos archi-textures
et par un printemps navrant
qui tarde à éclore abrupt
des pentes neigeuses d'un hiver sans fin
d'un hiver de brute
d'un hiver indien.
Or ce froid sibérien
m'entraîne par l'engourdie main :
je me souviens de tous les chemins
je suis comme au bout du monde en mon quartier latin
aux pôles magnifiés de mes contrées
aux croisées de mes rues incessamment re-rencontrées ;
La rue Sainte-Geneviève fend le rocher de sa colline
de sa féminité frigide,
tandis que la Mouffe câline
de Paris les érections rigides.
C'est l'hiver indien sous une peau de bête
comme dans « La dernière chasse » de Sam Peckinpah
Paris-l'artiste, congelé dans une peau de Barbizon !
Finalement, les vers d'Elisabeth
décrivent les sautillants pas
des jeunes femmes aux jambes en biseau ;
là je vois des bas gris, des bas bleus
des bas aux Pâques
des bas houleux
tandis que le gel attaque
la Seine qui ondule
et dont les bateaux mouchent
la Cathédrale et son pendule
l'oscillation, les passants louches.
Serais-je « Michel Bizot » ?
La Seine m'apporte – dorée – l'hostie d'où nous nous contredisons...
La monnaie de Paris se frappe d'une société qui tourne en rond.
Rive gauche, Paris est bousculée par les affaires.
La rue Saint-Louis-en-l'Isle est décorée comme un sapin de Noël.
Qui sait encor qu'en son cœur tant ont souffert ?
Des crues de 1910.
J'ai cru ces catharsis.
Rive droite, Paris n'est finalement plus qu'un Sahel.
Pourtant, toute importance prend naissance Place de Grève
entre les racines de la mandragore
et toute sénescence se nourrit de rêves
tandis que d'autres crient encore.
Les promeneurs du pont des arts ne dessinent plus :
ils fument.
Les ronds dans l'eau de l'air des cigarettes
si tant est que la ciguë s'arrête
ne riment plus :
ils se hument.
Et débarquant dans le treizième élément,
Futuropolis échevelée,
j'ai détricoté des bas de laine
sur mes itinéraires d'emblée si véhéments
de mon ami, de ses minots élevés
– un, deux, trois – dont la Belle Hélène
Paris n'a de passé que le reflet du sourire de ses beautés
Paris n'a d'avenir que les amours de ces Vénus
Paris n'a de présent que leur cadeau d'être émiettées
Paris n'était finalement rien d'autre que je n'eusse.