vendredi 26 avril 2013

Les beaux jours

Beautiful days by Venus on Grooveshark



(Primevère, appelée "fleur de lait" en langue bretonne)



En ce printemps transméridien,
Paris-Normand ne fut pas beau :
sorties de leur hiver indien,
deux régions boitaient d'un pied bot.

Si des congères métastasent
l'effroi des illusions figées,
j'en connais d'autres dans l'extase
mimant cet an neuf affligé.

Je laisse aller l'extrême-onction
sur un glacis rendu stérile,
car bien trop long pour la jonction
de Mars à la planète Avril.

Je l'ai salée mon addition
entre la Bretagne et Paris,
les beaux jours dont j'ai l'addiction,
tardent souvent en Normandie.

Dans cette douceur printanière,
ici déjà tant attendue
qu'on l'eut crue sombrant dans l'ornière
de Proust et de son temps perdu,

dans cette inespérée lumière,
caressant en langue gourmande
nos pâleurs de crème fermière
dans une pâture normande,

Je laisse aller mes sensations
au rythme du chant des oiseaux,
et ma mémoire aux pulsations
des maux cachés sous le boisseau.

Je l'ai salée mon addition
entre la Bretagne et Paris,
les beaux jours dont j'ai l'addiction,
tardent souvent en Normandie.

Malgré ma nature endormie,
j'embourgeonne en grattant mes feuilles,
ce qui restait placide hormis
ce mouvement qui les recueille.

Et les secondes s'effilochent,
fuyant des crevures d'un pneu,
carillonnant comme des cloches :
fracas gordien et concept nœud.

Je laisse aller à m'Asperger
des rayons d'un être solaire,
des vers de «Jadis et naguère »,
de Verlaine et de Baudelaire.

Je l'ai salée mon addition
entre la Bretagne et Paris,
les beaux jours dont j'ai l'addiction,
tardent souvent en Normandie.

Un coucou pique à bout portant
de ses clochettes améthystes,
ce pourtant si frileux printemps
qui semblait serti d'âme autiste.

Les talus pleins de fleurs de lai
empoétisent le bocage,
mais dans ce soleil hors-délai,
j'ai froid de cette belle cage...

Je laisse aller mes intuitions
vers des compagnons d'évasion,
afin qu'ensemble nous puissions
briser ces verrous d'occasion.

Je l'ai salée mon addition
entre la Bretagne et Paris,
les beaux jours dont j'ai l'addiction,
tardent souvent en Normandie.

Où sont les nuits de mes vingt ans
(ces fallacieuses enivrées,
ces notes blanches s'inventant)
qui changeaient le grain en ivraie ?

Où sont les tiédeurs exaltantes ?
L'exhalaison des bouches vertes ?
Les herbes du Jardin des Plantes
et ses essences entrouvertes ?

Je laisse aller l'inspiration
de mes neurones résiduels ;
la vie n'est rien que Création
ou se battre soi-même en duel.

Je l'ai salée mon addition
entre la Bretagne et Paris,
les beaux jours dont j'ai l'addiction,
tardent souvent en Normandie.

Où sont donc mes folies berbères ?
Le pharaon de mes cigales ?
Paris comme un Petit-Robert,
nourrit ma fugue et mes fringales :

pour des gestations Bon Marché
lorsque la sève papillonne,
nous traversâmes harnachés
les fusions dont on vibrionne.

Je laisse aller l'inanition,
aujourd'hui que mes faims sont mortes,
et que mes mues en partition
offrent les clefs qu'un sol apporte.

Je l'ai salée mon addition
entre la Bretagne et Paris,
les beaux jours dont j'ai l'addiction,
tardent souvent en Normandie.

J'égraine ainsi qu'un vieux mélo'
le chapelet de mois, d'années,
s'étant écoulés comme l'eau
d'un ruisseau qui m'eut moi, damné.

Alors, je visite à rebours
ce temps déchu m'ayant moulé,
mes Waterloo, mes Pearl Harbour,
mes espoirs et mes camouflets.

Je laisse aller mes émotions
au tourbillon de la mémoire,
je n'ai ni magie, ni potion,
sinon ces mots pour mon grimoire...

Je l'ai salée mon addition
entre Paris et la Bretagne,
si des beaux jours j'ai l'addiction,
c'est bien en pays de Cocagne.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Touché !

M. H