jeudi 30 juillet 2015

L'arbre à peaux




Qui n'a jamais parlé d'un jour changer de peau ?
Pourtant, qui sait ce qu'écorcher est le tourment ?
Qui sait la vraie valeur des mues et leurs impôts ?
Qui sait que l'angle-mort, lorsqu'il est aigu, ment ?

La lente étoile amère – affreux échinoderme –
scintille emplie de drogue en haut de l'arbre à cames,
et le moteur grinçant qui tend notre épiderme,
entretient en secret des passions polygames :

mêlant en réservoir, Muse et mues inouïes,
il dépèce (encensoir) les corps beaux de nos rêves
dans l'hydrocarbure air d'un cadavre épanoui.

Dès lors, tout n'est qu'abcès, puisqu'il faut qu'on en crève,
laissant flotter au vent ces inquiétants drapeaux ;
les coups d'un arbre à pains, m'ont fait un arbre à peaux.


mardi 28 juillet 2015

Les méandres de la vie






La Terre est une fourmilière
et sa conscience est bien ailleurs
que dans l'infinité d'ailleurs
des grouillements grimpant ce lierre.

De tous ces corps décérébrés
obéissant à la machine
qui, de L.A. jusqu'à la Chine,
file un beau bât aux démembrés,
blesse à l'endroit des jarretelles
l'insecte pris dans sa résille,
oui, de ces acharnées chenilles,
j'attends les mues accidentelles.

Le Monde est peuplé d'arthropodes
ignorant que leur carapaces
ont fait d'eux des ringards rapaces
ivres de pouvoir et d'iPod.

Quant à l'Amour, oh le doux leurre !
Tout s'évanouit au fond des sexes :
les sentiments mis à l'index
– seconds couteaux au rémouleur –
sont comme la littérature,
objets d'humour et de mépris
(tant mieux qu'aucune ne m'ait pris)
criblés de haine et de ratures.

Dussé-je en avoir eu l'envie,
Nul mieux que moi n'est égaré
Dans cette foule bigarrée,
Dans les méandres de la vie.

lundi 27 juillet 2015

Le lit-bateau



Lentement luttait mon lit dans le malin tumulte ;
aux flots à gîter que mes sommeils froissaient,
répondaient ses beaux draps que mes peurs accroissaient
– gréement qui vous propulse et qui vous catapulte.

C'est ainsi que j'entrai dans les nuits rugissantes
et sans cesse essorées des odieux quarantièmes,
où s'égrainait le temps en millions de centièmes
aussi bien qu'en embruns de marées fléchissantes.

Or, le phare isolé de mon chevet frisait
mon carnet de cuir roux d'une écume de lettres
qui déguisait l'angoisse en conscience de l'Être.

Au-delà de la Vie qui me paraphrasait,
ma rêverie nocturne inondait une eau sombre
qui dégrisait mon lit juste avant qu'il ne sombre.

mercredi 22 juillet 2015

Du Caravage






J'ai balayé les péristyles
et nettoyé mes sarcophages,
afin de retrouver le style
en clair-obscur du Caravage ;
j'ai lessivé la toile honnête
en passant des savons mutiques
à ces insectes notonectes
abreuvés de poisons ludiques.

Un Monde entier s'est fait les dents
sur ma carcasse famélique,
qui solitaire, aux vers l'aidant,
prit le chemin des Amériques
depuis les bords de Guerlédan
puis par les ports de l'ombilic,
ma crêpe aux semelles devant
lui servant de téléphérique.

J'abordai donc d'hideux domaines
où la plume est un étendard,
à pleurs de Lys, quittant le Maine,
je pris aussi tête de Loire,
mais désireux des Océans,
son embouchure eut pour seul dard
le stylo de ce mécréant
qui vous décrit ses grands déboires.

Voguant sur un transatlantique
et paressant en plein soleil,
j'appris la rime épileptique
accessible en un plein sommeil ;
au fond du rêve en accostant,
puis saisissant sur ces rivages
à poignées le sable du temps,
je saisis tout du Caravage.

Et parce que la mue de l'Homme
est changer le reflet de soi,
et que Narcisse en vivarium
est le serpent qu'un rien déçoit,
toutes les nuances de gris
qui sont bien plus qu'une bluette,
ont pris dès lors dans mon esprit,
l'aspect de leur beauté muette.


vendredi 17 juillet 2015

L'effort en thèmes




On pourrait s'imaginer
se penser
ou panser
on pourrait se machiner
se mâcher
se moucher
dans les feuilles d'un pot-pourri
sans jamais renouveler l'inspiration
– fantasme petit-bourgeois selon Maïakovski –
qui nous guide vers l'incarnation
de notre littérature
en traits vivants
où l'élite est rature
apposée sur l'évent
des brocards le soulevant.
On pourrait s'entendre
s'écouter
s'écorcher
on pourrait se tendre
se planter
s'épancher
dans les feuilles d'une rhubarbe
ou sur les marches de Bretagne
sur ces pavés que la rue barbe
à voir l'Amour et la Castagne.
On pourrait penser
que l'écrit
que les cris
qu'on vient dispenser
sur les murs
des armures
et des cités balnéaires
serviraient à soigner nos doigts
– puisque ce qui des dix pend sert –
pour graver ce que l'on doit.
On pourrait fantasmer des tas de choses.
On pourrait croire
au Génie créatif
au génie militaire
au gène y contribuant
je pourrais déjà si j'ose.
Mais c'est dérisoire
et même récréatif,
si pour enfin se taire
on se fait chat-huant.
Il ne faut pas chercher sujet
pour pondre un œuf
– de quelle fable air j'ai ? –
ni pour voler un veuf.
Il ne faut pas pousser l'effort en thèmes
afin qu'en Germinal
croisse en deux Lunes qui t'aiment
mon vers subliminal.
Il ne faut pas pousser l'effort en thèmes
s'il faut tirer le vers d'innées
sensations issues d'anathèmes
et pourtant si bien jardinées.
Il faut oublier le sens qu'on veut donner
s'il faut donner du sens à nos verbiages,
il faut aussi tout pardonner
d'un frais divorce après mariage.
Il ne faut pas chercher l'objet
de ce qui peut nous faire écrire
et juste enfin se partager
oui juste avant d'enfin mourir.

mardi 14 juillet 2015

Décade en s'écrivant



Que passe sous les ponts décade en s'écrivant,
qui fasse en trait d'union décadence écrivaine
et qui, le temps durant, de cadences privant
l'auteur de réflexions, s'avère pourtant vaine.

J'ai gravé dix années de stèles numéraires,
aggravant dans mon cas, le poids de ces cent heures
arrachées à l'autel des chambres funéraires
où l'on se sent soudain privé d'apesanteur.

Quant au fruit littéraire offert à médisant,
quelle est sa vraie durée, comment le quantifier ?
Si par un taon mordu j'avachis le présent,
j'ai par jeu du passé, futur opacifié.

Tous ces étés brûlants fourmillant d'écriture
et ces hivers glaciaux réchauffés par l'absinthe,
ont pris ma vie c'est sûr, pour ma littérature
et mon âme endiablée pour une vierge sainte.


lundi 13 juillet 2015

La clef des vers




Je guette encor l'écho de mon âme éruptive
au détour d'un carnet de voyage ou de bord,
ou d'onglets incarnant d'univers le rebord,
un balcon d'où j'épelle une belle captive.

J'emplirai mon stylo de ses lettres secrètes
et mon songe endetté d'alphabets exotiques,
pour qu'enfin subjuguée d'orchidées érotiques,
coule l'encre inhibée que mon cerveau sécrète.

Seulement, le Futur rejoindra le Passé,
puis la réalité les désirs carnassiers,
dans son enveloppe de chair, d'os et d'acier.

Alors, de La Fontaine en passant par Bossuet,
j'irai puiser le vain que ma source aura sué
afin d'en parer celle autant carapacée.

Le mot se fera page, et virgules valets,
ce qu'on doit de Demain sera pris au comptant,
au banquet du poème on aura l'air content,
car la clef de mes vers, tu l'auras avalée !

Je ferai fi des évanescences pompeuses
et des lubies littéraires professorales :
spontané, j'écrirai jusqu'à mon dernier râle
et prierai pour des fins aussi peu sirupeuses.

samedi 11 juillet 2015

L'étoile d'amour




J'ai rêvé deux couleurs :
anthracite ou bien bleu, les beaux yeux
s'attribuent ces deux biens en doux leurres
et souvent par le biais pernicieux
des regards racoleurs.

J'ai songé vos baisers :
la fraîcheur de vos faux dix-neuf ans
s'envolait avec l'air qui se dérobe aisé,
d'un riche Art de la langue innovant
d'un caquet rabaissé.

J'ai mimé nos étreintes
en tournant mon crayon par à-coups,
qui laissant la mine y déposer son empreinte,
m'a pendu par vos bras à mon cou
que pour vous l'âme emprunte.

J'ai singé les manières
d'un commun des mortels amoureux,
dont le cœur écharpé se délite en lanières
étrillées d'un passé langoureux
puis de mues casanières.

Donc alors de rêver
des couleurs, des odeurs ou de Toi,
est-ce honnête ou crédible, est-ce hurler de crever ?
Fais donc toit dans mon don de tes doigts,
ma ligne d'arrivée.

lundi 6 juillet 2015

Orfeu Nero




La signification de l'Espoir m'interroge :
faudrait-il y chercher dès lors sous quoi l'on ploie
tant que le bât de l'aile « à quoi bon ? » se l'arroge ?

J'ai pleuré des larmes d'encens
dans les chœurs des lamaseries,
et des écheveaux sans pour cents,
gardant ceux dont l'âme se rie
d'être de bons ou mauvais sangs.

Et dans l'onde aérienne où tes traits se déploient
Je ne retiens qu'un cil en abat-jour du feu
dont les flammes consument l'Amour qui s'emploie.

Je ne retiens que les décimales
du nombre π qui me rassurent
quant à cet incroyable mal
et cette inadéquation sûre
où sombre mon état de mâle.

Tu serais Eurydice au brésilien Orfeu,
qui traversait d'un triple-saut ce qu'on abroge :
l'enfer qui l'un dans l'autre est comme une arme à feu.

dimanche 5 juillet 2015

Et que l'Onde coule





La fraîcheur des sous-bois où moussent les ruisseaux,
et de l'adolescence en sa vitalité,
dans la canicule où si peu vite alité,
l'on traîne en canne à pêche, en plumes et pinceaux ;

cette fraîcheur émane au-delà de l'eau douce
ainsi qu'un esprit sain peuplant de jeunes truites
et d'onde intarissable – espace de nos fuites –
une part de l'ego dont nous languissons tous.

Je sais l'éclat de l'eau fait d'un soleil d'écailles
et la joie du pêcheur lorsqu'il lève un poisson,
je sais dans quel bonheur on puise ces moissons.

Je sais que le Destin m'assied sur la rocaille
afin que je dépeigne où l'eau de là nous mène,
je sais bien que la Vie m'a scié la branche humaine.

vendredi 3 juillet 2015

Et Caïn créa





Qu'écrirais-je donc qui ne le fut pas déjà ?
Si ce n'est dans la forme, alors c'est dans le fond ;
pourtant, les tableaux qu'à ces vers nous agrafons,
rejoignent ceux que l'Art des Lettres partagea.

Comment voir plus humain sinon qu'en montrant Soi ?
Si ce n'est d'un bon fond, l'Être reste un Mystère :
il s'efforce à produire un lot de maux à taire
et n'aime finalement que ceux qu'il déçoit.

Baigné de pleurs de lumière en-dessous d'un saule,
je laisse au kaléidoscope étourdissant
de mon cerveau, le soin de tourner cran par cran.

Reproduisant les illusions d'un puissant crawl
– s'il n'est aucun âge libre autre qu'avec rime –
en gros, j'écris ainsi que l'on commet un crime.

jeudi 2 juillet 2015

Gévaudan (republication d'un texte de 2008)





Oui ! J’ai vos dents,
             Comme un trophée,
                                 Autour du cou,
De ces crocs blancs,
                       Prêts à serrer,
                                 Ce monde fou,
Dans un carcan,
                          Très acéré,
                               Un piège à loup,
Oui ! Gévaudan,
               Comme un collier,
                           Est comme un joug…

De Margeride,
                 Jusqu’en Aubrac,
                                  En Marvejols,
Quelques séides,
            Traquaient la traque,
                                En marche folle,
Crimes sordides,
                    La bête attaque,
                               Comme l’alcool,
Cent homicides,
              Sang dans la flaque,
                                   Et trente viols…

On ne peut pas s’imaginer le Gévaudan,
Il faut le voir, le respirer de l’en-dedans,
C’est un lieu flou où le hasard est imprudent,
J’y suis allé à cinq et six et puis sept ans…

Dans ses sous-bois, j’allais cueillir les champignons,
Et dans ses prés, les frais rosés, les mousserons,
Près des genêts, les chevaliers bagués si bons,
L’ombre de la bête planait aux environs…

C’est entre le Malzieu et Saint Chely d’Apcher,
Que de la bête, l’histoire me fut contée,
Et de ses trois ans d’itinéraire meurtrier,
De femmes et d’enfants à ses dents sacrifiés…

Décapitations, éventrations, écorchages,
Nul autre animal ne commit pareils carnages,
Ce n’était pas un loup pas plus qu’un chien de rage,
On eût dit la bête échappée de quelque autre âge…

Fi du capitaine Duhamel, en cavale,
Se riant des battues, si perfide animal,
Il se riait aussi des plus habiles balles,
Charles-Marc-Antoine Vaumesle d’Enneval…

François Antoine,
            Sieur de Beauterne,
                                Le louvetier
D’un roi idoine,
        Sieur beau mais terne,
                             En fit les frais,
Et des arcanes,
                 Et des cavernes,
                                Où se terrait
La bête infâme,
         Quoique elle hiberne,
                           N’était pas tuée…

On fit mensonge
             De quelques loups
                                  Assassinés,
Et de pieux songes
            Pour quelques sous
                              Presque volés,
Mais à rallonge,
                 La liste en nous,
                                 Venait graver
Ce qui nous ronge,
              Dans nos remous,
                          Nos peurs ancrées…

C’est un soir de Juin dix-sept cent soixante sept,
Que de couler, l’histoire, comme sang, s’arrête,
Du bon marquis d’Apcher, allant chasser la bête,
Avec ses gens et famille Chastel en tête…

Jean de Chastel, étrange père, et ses deux fils,
Gens cultivés, un peu sorciers, sans artifices,
Près de Langogne, il s’asseyait, comme à l’office,
Puisque miracle, il le fallait qu’il accomplisse…

Elle était devant lui, assise sagement,
Comme devant son maître, en monstre pénitent,
Chastel arma son arquebuse calmement,
Fit feu, le monstre retomba en titubant…

Naturalisé, le cadavre, à malfaçon,
Fit le voyage de Paris jusqu’à Buffon,
Parvenant en état de décomposition,
Nul ne put dire s’il s’agît d’un loup ou d’un lion…

Or, d’un roi déçu, sous de faux airs impavides,
Ordre fut donné d’enterrer l’être putride,
Quelque part, sous Versailles, légende réside
Que d’aucuns piétinent encore d’un pas vide…

Mais la bête
            N’est pas morte,
                                       Elle vit,
                                                   Autre part,
Dans nos têtes,
            Qu’elle en sorte !
                                  C’est folie !
                                             C’est trop tard…

J’ai vos dents
                  Sur mon cou,
                            C’est à mordre,
                                                     A laisser…
Gévaudan,
                  C’est le trou,
                               Le désordre,
                                                   Bas blessé…
                                                   Bas bât, bah...
                                                   Blablabla...

La bête est en nous, partout, sans emphase,
Elle est dans l’urne du dernier votant,
Des dictatures dont elle est la base,
De leurs tortures et de leurs néants.
On peut se questionner, chercher les cases,
Se demander ce qu’elle était vraiment,
Mais le « pourquoi », loin de faire l’extase,
N’a pas vaincu le « qui » ni le « comment ».
Ces enfants de naufrages, de nos phrases,
Feu, détresse, périt phrase aux couchants,
Quand de ces lames qui parfois nous rasent,
Restent aux doigts quelques gouttes de sang.
Alors les pluies se remettent en phase,
A Mende aussi, puisque tout est payant,
Et qu’en Lozère, les airs sont des gaz,

Et que nos guerres sont en GEVAUDAN.