À fort isthme il est un courant
qui renverse le tour du monde
et fait passer d'un océan
vers un delta qu'un fleuve inonde,
et tout en fumant des Dunhill
en Panama qu'aux larges bords
on tire à nos sources du Nil,
on laisse aux hublots les sabords.
On laisse aux carreaux des lunettes
un doigt de dette astronomique,
et le transat' en la dunette
où l'on s'étend cyclothymique ;
on laisse au dents des Caïmans
notre destin pris en otage,
à la machine qui nous ment
l'absurdité pour héritage.
Aphorisme encré d'euphémismes,
il faut sucrer ta fraise infecte :
un percement de l'infâme isthme
est la carie de nos affects,
est l'autarcie qu'un pas nomma
d'un ballon porté sur la tête
et d'un chapeau du Panama
recueillant l'argent de la fête.
On sombre en rythme pacifique
en ces clartés crépusculaires
où les alertes séraphiques
ont perdu le lien séculaire
unissant les deux hémisphères
et les vertiges cérébraux,
dont l'amour n'est que l'atmosphère
et dans leur soupe un peu chabrot.
Mon cœur déambule sans but
comme les passants sur Granville,
il n'a plus le moindre attribut
si ce ne sont sautes serviles.
Et le courant marin l'emporte
au gré de vagues mélopées
qui — soucis salés — l'insupportent
à moins que de l'envelopper.
Les promenades surpeuplées
boivent le soleil de l'automne
ainsi qu'un filtre où décuplées,
sourdent des foudres qui l'étonnent.
Et versant sur le flanc rocheux
de notre Monaco du Nord
un liquide aux éclats fâcheux,
la lumière écoule et s'honore.
L'égorgé cri des goélands
martèle incessant les tympans
d'un rythme dont l'écho est lent
mais dont la clameur se répand.
Et dans ces nuées pisciformes
aux battements d'Elle incivile,
un cœur esseulé se déforme
ainsi qu'une foule à Granville.
Goûte au baiser secret de la mélancolie,
dont ton âme s'épanche en glissant mollement
sur le bois de la planche où parjure aux serments,
tu gravis les degrés de la douce folie.
Nul ne cherchera plus ton obscure origine ;
en dressant ton bûcher, nous chanterons tes vers.
Un bourreau, deux bouchers, trois poètes pervers,
saleront ta bidoche en purs Moravagine.
Alors, tu sombreras dans l'obscur labyrinthe
où les fauves du Cirque oubliant leur nature,
à grands coups de faiblesse, à grands coups d'imposture,
incessamment sans doute et sans cibles s'éreintent,
organisant la mort d'un passé qui les hante,
et d'obséquieux cercueils revêtus d'amarante.
Te souviens-tu des ciels du Finistère
lorsque tu pendais à mon bras la nuit
sous la voute céleste et délétère
ornée d'étoiles filantes d'ennui,
d'un métier mu dont je fus grabataire ?
Te souviens-tu des mots brûlant les lèvres
— alcools panachés de compromissions —
et des respirations niquant les plèvres
à nos barreaux de chaise en rémission,
Toi la comète entre mes doigts d'orfèvre ?
Oh ! La bleue Lune est un clair de Kassandre.
On ne connait pas celle qui se cache
au-delà de ses yeux couleur de cendre
et des horizons que sa beauté gâche,
on n'en sait que des pentes à descendre...
On m'éveille à l'aube des derniers feux ;
le lierre s'est enroulé sur mon corps
comme un péché sur l'arbre des aveux,
mais la tentation d'un ultime accord
bourdonne ainsi que des baisers baveux.
Tout emmiellée de tâches de rousseur,
une ombre d'ego compose des vers
(hydromel extrait de tant de douceur)
dont les qualités prennent à revers
un galbe indécis pour son rebrousseur*.
Nous ne sommes plus parfois que fracture
éperdument écartelée dans l'air
d'un temps dont on payerait la facture
à s'être à ce point rendus parcellaires
et perdus dans d'infinies conjectures.
Nous trouvons dans des liqueurs psychotropes
un rêve absent de nos amours navrantes
et nous sculptons un démon misanthrope
où l'on se fond la courbure enivrante
ainsi que se tourne un un grand héliotrope.
Un jour, lassés des cultes d'Hypérion,
la peau tannée comme un corps dépecé,
nous questionnons le pourquoi nous errions,
les raisons nous ayant fait dépasser
les bornes d'un sol que nous espérions.
Nous nous lançons alors à la recherche
impromptue d'un territoire égaré,
sans penser que s'y tend comme une perche
un doux leurre aux ronds qu'on veut en carrés,
que sans cesse en ceci c'est SOI qu'on cherche.
On l'appelle atlante ou continent Mü,
mais c'est en fait notre propre Pangée
qu'on croyait morte et pourtant qui remue,
dont éloigné l'on se sent étranger,
mais qui rassemblée se fait notre mue.
Rochefort
m'enterre sans tes bras, Rochefort en corps encore en Toi... J'ai
fait vidange intellectuelle, J'ai des clartés d'hors du
tunnel, Et d'éclater sous le soleil, Carreau se rit de ces
merveilles... C'est l'été et les remparts fleurissent !
Les
taches de rousseur apparaissent,
Les
grillons bruissent,
Et
les soucis me laissent,
Et
tes sourcils n'ont cesse
D'accentuer
ces pieux délices
Et
d'enrober tes yeux, des lys
Bleus,
Comme
ce ciel d'ivresse !
Et
tes longs cils en liesse,
Sombres
papillons, frémissent
De
cette vie nouvelle
en
Rochefort la belle.
Je
confonds toujours les filles et leurs pierres,
C'est
parce qu'elles se ressemblent !
Comme
Vanessa et Rochefort en Terre,
Ces
deux amies vont bien ensemble !
Il
y a des degrés à franchir,
Comme
chez moi,
Comme
à Pont-Croix,
Et
des méandres qui m'attirent,
Dans
les ruelles,
En
contrebas.
D''autres
degrés qui s'amoncellent,
Près
du lavoir où restent là,
D'autres
bateaux en partir,
D'autres
nacelles,
D'autres
et moi,
Et
mes poèmes à maudire,
Seront
pour celle
Qui
saura
Parfois
me voir, parfois me dire :
"Rouvre
tes ailes,
Remplume-toi
!"
Un
grand oiseau noir,
Loin
de sa mer patrie,
Marche
au matin comme le soir,
Dans
Rochefort d'où il écrit,
Quelques
mots mis, quelque mémoire,
Quelque
reptile sans répit,
Quelque
serpent, quelque lézard,
Sur
tous ces schistes alangui.
Les
murs se chauffent au soleil,
Juin
a remis l'habit de fête,
A
midi, la ville s'éveille,
Quelques
touristes me rejettent...
Rochefort
m'enterre sans tes bras, Rochefort en corps encore en Toi !
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