mercredi 27 avril 2016

Le Val-André (republication d'un texte du printemps 2007)




L’océan, vous savez ?
La mer, celle qui est
                              de la couleur des yeux,
que l’on regarde inquiet
                          comme en faisant un vœu,
balade du Val-André,
                                 la nuit,
                                           lorsque l’on cause,
promenade des français,
                                    suit,
                                sans effets ni sans clauses,
la route des aiguilles
                              du temps qui passe tel
glisse une vive anguille
                                 entre nos passerelles…
Nous sommes bien dressés
                            à la place des ponts
                                          que nous pourrions bâtir :
l'une à l'autre, blessé,
                      dit ses passées passions
                                                et ses divins empires.
La baie de Saint-Brieuc
                           ressaque dans la nuit,
                       ressasse leurs deux vies,
                                              qu'on ne distingue plus...
Et même à qui-mieux-mieux
                      dans ce qu'ils se sont dit,
pas un parfum d'ennui,
c'est normal, il a plu...
En Egypte, elles étaient sept.
Au Val-André, elles sont neuf.
Neuf plaies à Pléneuf-Val-André,
De tout ce qu'on peut raconter,
Quand on se rend compte en acètes
Que l'on se rencontre à Pléneuf.
Preuve par neuf et croix en X,
Au saint des saints du Val-André,
Du casino où l'on se fixe,
Qu'après il faut aller marcher...
Et quelques rires
                     aux fous comptoirs
                                              de cafés forts,
                                                                collets serrés,
quelques soupirs
                          sur les hasards
                                              à moitié morts
                                                                de nos passés.
'cause it was a stormy monday,
Qui de ceux qu'on s'offre à leur âge,
Quand on sait qu'Avril s'en allait,
Garde les saveurs du partage
Et ces parfums de premier Mai,
L'odeur mouillée d'après l'orage,
Pour peu que Pléneuf vaille en traits
L'esquisse des beaux paysages
Qu'on rêve comme des étés,
Quand la jeunesse a fait naufrage,
Qu'au front de mer du Val-André,
L'avenir n'est plus qu'un otage.


mardi 26 avril 2016

Pieds et mains liés




Que devrait-on écrire à propos des silences
au cœur des partitions qui nous soulèvent l'âme
et tranchent l'Art cochon dont tant d'autres me blâment
alors que je n'en ai que des pieux et six lances ?

Je n'ai pas su bâtir un empire aquatique
aux sirènes dont l'air, quand bien même on s'honore
au fil de l'arrosoir d'avoir perdu son Nord,
dont l'air en mélo' dit le bel amour sceptique.

Et dès lors se défausse une harmonie possible,
un fort piano forte ressasse une sonate
où coule un son comme un cheveu dans une natte.

Je n'ai dressé de Lizst aucune de mes cibles
et négligé ma vie pour relever deux notes,
hormis cet astérisque au péril des menottes.

jeudi 21 avril 2016

De suivre ou d'être




Si je ne suis plus rien, alors mon âme sombre
obscurcit de ton corps les chemins, les méandres
et les trop longs discours des gigantesques ombres,
auxquels je ne concède aucune excuse tendre.

Si je ne suis plus rien rien, alors mon âme sombre
au plus profond de l'océan de tes yeux clairs
et dans l'abysse hurlant dont ta silhouette s'ombre
afin de me confondre au spectre d'un éclair.

Alors, à toi bel astre, occupant de mes cieux
la principale part issue de mes enfers,
on a cédé la place entre mes deux essieux
sur mon automobile, et tu n'as su qu'en faire...

De l'heure — indice en lacérant la moleskine —
il ne t'est revenu que le champ d'asphodèles
où l'or fait du délice une source mesquine,
un jardin merveilleux où tout homme est fou d'elle.

De l'écartèlement d'un cœur ouvert sur toi,
je n'ai de palpitant qu'un désastre isolé,
que les quelques coulées de pierres sur un toit,
que tes larmes cachées d'un sourire immolé.

Je n'ai de palpitant que mes fables étranges
à-propos d'amants morts sur des bûchers solaires
et sur ta belle Terre avec sa peau d'orange
où tu ne t'épanouis qu'en plante parcellaire.



Louve




Abreuvé des menstrues de la Mer éternelle
et du lait frelaté de ta peau duveteuse,
il m'a fallu tester ton instinct maternel
afin de me penser en ta bouche ainsi tueuse.

Amour, oh toi si seule et qui te pense mère
à m'avoir en ton ventre à défaut de honteuses
absolutions livrées à ce problème amer,
écoute enfin le son des poésies vertueuses.

Et soit ma sœur ou ma fleur de pensées
dans l'encre consanguine où ta bouche est laiteuse,
où ton âme écrivaine — ô miroir insensé —
m'est l'écho maladif à tant de voix tortueuses.

Enfin, m'étant livré jusqu'à la carotide,
il m'importe avant tout qu'à toi belle menteuse,
à toi Louve affamée par ma vaine Atlantide,
on concède en corpus une envie défectueuse.

mardi 19 avril 2016

Larmor-plage (re-publication d'un texte du printemps 2007)




On peut se croire à Saint-Brévin
Lorsque l'on traîne à Larmor-plage,
Ce n'était plus petit matin
Mais un réveil en décalage.
J'avais strangulé ma Bretagne
D'un cordon Nord-Sud de voiture :
D'un Saint-Brieuc foin de cocagne
Jusqu'en Lorient, rien n'est moins sûr...
C'est « An orient », si mal nommée,
Que je n'ai pas goûté l'opium
De paradis désespérés,
Qui, j'étais bête en étant homme,
A Larmor-plage et ses rochers,
Quand l'amour nage en factotum,
Mais qu'on le pêche à l'épuisée,
Lui que l'on prêche en symposium...
Le ciel de la couleur des yeux
Et des paroles sans nuages,
Quand tout se mêle à ces flots bleus
Qui sont bien moins que bavardages,
Tout n'est alors que vastitudes,
Elastique à nos temps perdus,
Nos manques de béatitudes,
Ce qui survit quand il a plu...
Mais à Larmor, au gré du Sud,
Sont des cafés bien tapageurs,
Bordant la plage et ses quiétudes,
Sentant bon la retape à joueurs.
Les demis s'y consomment sourds,
Sous l'éclaircie des premiers Mai,
Quand on sait qu'à revoir le jour,
Tour à tour, sommes appelés.
Et nos démarches boitilleuses
Font tant et tant des avancées,
Qu'à toute côte pointilleuse,
Il faut édifier des jetées...
Des jetées à l'eau pour chacun,
Sans ces « je t'aime » pathétiques
Qui croyant nous rendre malins,
Nous ont rendus paralytiques.
Des jetées qui pour s'épauler
Prendront l'amarre à la marée,
Et sans ces doigts griffus, greffés,
Tendront la main à la mariée.
Les petits ports sont ambitieux,
Ouverts qu'ils sont vers le grand large,
Comme brillent tous les beaux yeux
Sous le soleil de Larmor-plage.

jeudi 14 avril 2016

La proximité de la Mer



En hommage à Jorge Luis Borges

On nage entre deux eaux comme en un placenta,
dans l'étreinte alternée du flux et du jusant,
dans l'étroit sablier qu'une femme enceinte a
retourné, m'évitant le siège où va gisant
la statue bienheureuse à ce que sa sainte a.

Mais de la Baie de l'âme à celle de Belem,
il me faudrait pourfendre en ta virginité
le fer inoxidé qui me fit si bel hème
à mon hémoglobine en toute immunité,
en toute intimité le feu que Lebel aime.

Or d'avoir remâché gencives des tranchées,
je garde ton empreinte inscrite sur la plage
et l'ombre de ton pied qu'à peine retranchée
j'ajoute au régiment des fidèles volages
auprès desquelles mon cœur s'est toujours tranché.

Si j'ai tant ramendé les nœuds de tes filets,
me cousant de mots pour que rien n'atteignisse
un seul fil à tes bas que l'on voulait filer,
ce n'était pour qu'enfin le divin Montaigne hisse
une étoile de Mer aimant bien défiler.

Et dans ton beau mirage infiniment marin,
borde de ta poitrine un peu de mes falaises,
épouse aspérités puis courbe sur mes reins
la paume de tes mains absorbant mon malaise
en pompant l'essentiel de ce qui n'est plus rien.

Sur la proximité que l'Océan violente,
au sujet de l'acide et de la corrosion,
nul ne sait le remord maudit que le viol hante
et le sel affligé de tant de corruptions
martyrisant gaîment l'époux de quelques lentes.

J'ai donc écrasé d'un pauvre coup de poing
l'horaire des marées qu'on consulte aux Pléiades,
et tout près de la Mer je ne déteste point
ta beauté bustée mais belle ma naïade,
et ton désir abstrus pour mon bel embonpoint.

mercredi 13 avril 2016

Sainte Victoire




Par Bruno Zunino — Travail personnel, CC BY 2.5, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=1421971



Gardant de la candeur de mon adulescence
un peu d'immaculées concrétions versant Nord
et de mon escalade une suée qui m'honore,
il m'en souvient du roc une magnificence :

Par les chemins, lorsque l'on quitte Vauvenargues,
en randonnant du pas de la jeunesse odieuse,
sans souci si descend des sentes insidieuses
un torrent sec alors que le sommet nous nargue,

il faut se cuire à point sur cette rôtissoire,
il faut donner de soi vers l'ange anthropophage
accueillant en son sein (ce laiteux sarcophage).

Car là-haut, éclate aux lueurs du pré-soir
le grain du prieuré d'une blancheur avide,
et de Sainte Victoire, on penche sur le vide.



Par Matthieu Gauvain — Travail personnel, CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=21681368

vendredi 8 avril 2016

L'effroi défendu




Marchant dans le couloir des gigantesques ombres,
une artiste éphémère effleurant de ses doigts
la harpe de nos vies dont chaque corde sombre,
a peuplé nos espoirs des désirs qu'on lui doit.

Car ainsi s'effeuillant sur ses toiles — débris
de ma barque éventrée qui vomissant son verbe,
évacue sa beauté pour s'en faire un abris —
la belle adulescente a poussé de brève herbe.

Et son soir exotique emplit l'âme des torches,
amoncelle en ce feu des couleurs impossibles
où se fond la nuance à laquelle on écorche
une expression visible en chacun pris pour cible.

Elle est sur le chemin de ce grand labyrinthe
à l'intérieur duquel mes vers péristaltiques
ondulent en mimant les péchés qui m'éreintent
et la pomme infiltrée de visions cathartiques.

samedi 2 avril 2016

Coup de gueule de la nuit

Les discours lénifiants de L214 ou de cette pneumologue psychorigide qui porte plainte contre l'Education Nationale m'insupportent.
Qui sont ces intégristes moraux, ces Tartuffe d'un nouveau genre — pire encore parce qu'aussi bien convaincu de leur intolérance qu'un djihadiste patenté — qui viennent nous culpabiliser de consommer de la bonne bidoche et nous accuser d'être les responsables d'exactions menées par des malades mentaux dans des abattoirs, qui préfèrent voir des minots exposés aux attentats sur la voie publique à fumer, plutôt que de subir le risque d'une tabagie passive dans une cour d'école ?
Malraux écrivit que "le vingtième siècle serait religieux ou ne le serait pas". Concernant le vingt-et-unième, il n'y a aucun doute : c'est le siècle des dévots et des ayatollahs de tous ordres, le siècle de l'interdit, du jugement de valeur, de l'incrimination fascisante, des prosélytes d'un pseudo-bien-être qui ne ne recouvre que les névroses dont ils cherchent à se défier, à défaut de parvenir à les déféquer.
La culture, les arts et l'histoire de l'Homme sont étroitement liées à son mode nutritif et à l'invention de ses drogues, de ses gentils poisons. La liberté si chère à notre engeance est précisément liée au droit de l'individu de fixer son niveau de consommation de toutes ces choses dont il hérite avec l'éducation que lui confèrent ses aînés.
Je ne jugerai jamais un végétarien de faire ce choix de vie, que ce fût tant pour sa santé que par choix moral ; je ne jugerai jamais un fumeur — bien qu'ayant cessé de m'adonner à cette passion depuis cinq ans — quand bien même j'apprécierais de discuter avec lui de la dimension comportementale de cette addiction ; mais je refuse absolument que quiconque cherche à me dicter "ce qui est bien", cherche à m'imposer de façon totalitaire un mode de vie qu'on déciderait pour moi et à ma place.
Je trouve absolument normal de réagir aux atrocités commises envers des animaux d'élevage, et je suis le premier moi-même à réagir, mais je refuse obstinément que des guignols — auxquels il me scandalise que les média tendent un microphone écholalique — utilisent ce prétexte et pernicieusement diffusent leur dogme infiniment contestable.
D'ailleurs, je suis biologiste de formation, et je trouve à ce titre que l'on oublie bien trop vite qu'une plante, qu'un arbre, qu'un végétal auquel je m'attache aussi facilement en tant que botaniste convaincu, soit lui par contre considéré comme une source de vie négligeable. Qu'on oublie que le tabac est issu de la feuille d'une plante qu'on laisse vivre, à l'instar du haschich, de l'opium, du kat, et que les psilocybes poussent dans les sillons humides et frais de nos belles campagnes.

Je pleure sur la bêtise en train d'envahir le cerveau des rejetons de notre société grasse et bien nourrie, que ce soit de steacks aux hormones ou de graines certifiées "bonne conscience", car à l'heure des attentats qui nous frappent, elle a d'abord perdu de vue la faim. Il est vrai que ceux qui prennent la parole ici, ne sont pas ceux d'une nouvelle misère qui en a retrouvé le sens.

vendredi 1 avril 2016

L'étoile



J'ai digéré l'étoile aux branches dispersées
sur l'horizon détruit de la rose des vents,
mais vomi les remords dont on m'eut transpercé
si je t'avais trahie, toi ma fleur en devant.

Les satins de Noël ont laissé leurs rubans
dans les cheveux de fange où j'ai noué mes accords,
mais je guette les rues où somnolent les bancs
me liant à tes mains comme je lis ton corps.

Et dès lors, j'urbanise en lettres capitales
un nouveau monde abstrus qui d'ailleurs capitule
aux flottements de bouche, à toi digitale,
à toi mue de poison dont je me tarentule.

J'ai digéré l'étoile aux éclats des versets
par des tonnes d'espoir et par des milligrammes
assujettis aux fards des œillets déversés
sur le blanc du papier des noirceurs de Milgram.