samedi 23 décembre 2017

Aventurine




J'ai galvaudé des étalons de démesure
à m'empresser vers ton regard hallucinant,
vers cet éther dûment mêlé d'or et d'azur,
aux lents reflets dont j'allais prêtre en ruminant.

J'ai liquéfié dans leur formule un peu de moi,
de la fée verte et Salomon sa clavicule*,
aimant roder sur la verdeur de ton émoi,
pour mieux sauter, là fallait-il que je recule...

Un océan s'est écoulé de tes yeux tristes,
un temps sans fin, sans foi ni loi ni fond ni faim,
mais leur éclat d'obus de chlore et d'améthyste
obtint raison de mon esprit dès lors défunt.

L'aventurine a fait son job et l'ondée chut
sur Toi mon ange implorescent de son passé,
de ton parfum de fleur mouillée l'odeur m'échut
telle une peau cousue sur le revers d'abcès.

Des variétés de muscovite on sait la tienne :
elle est sanguine à la façon d'invertébrés
dont l'onde lymphe est au-delà de mes antiennes,
et dont l'accord hémocyanine est célébré.

J'ai cravaché ma peur servile en t 'épousant,
comme la roche affronte l'onde et son étreinte,
allant d'avant sans cesse et pourtant s'épuisant,
cédant à la durée de la chandelle éteinte.

Aussi, me suis-je dissolu dans tes humeurs
infiniment amarinées par l'eau de tes abysses
étouffant dans le fond, bien plus que des rumeurs,
on garde alors en bouche un goût de cannabis.

Ainsi charnu, fruit de l'oubli de soi,
il grouille en ma mémoire un flux de vers épais
comme une lampe d'Aladin que je reçois
sans le génie qui m'aurait pu laisser en paix.

La Poésie divague, alerte, écorne, embrume,
houleuse et souple, à la façon de ton bassin,
l'oscillation l'empresse et, pulpe de l'agrume,
amoncelle en baisers la pluie de son naissain.

Je me noie donc enfin dans ton vert d'eau de mer ;
orange est le cheveu, si laiteuse est la chair.
L'aventurine a tourné court et l'âme amère
appelle en tous mes sens un désir en jachère.


* "Selon une tradition juive, l'émeraude magique appelée Clavicule de Salomon, tombée du front de Lucifer lorsqu'il fut déchu sur terre, et symbolisant la Science Sacrée maudite parmi les hommes, fut un temps la propriété des Caïnites. Cette émeraude était le Bareket de Ruben Satanas, qui la donna à Lilith, première femme d'Adam avant de devenir celle de Caïn, lequel la lui reprit lorsqu'il voulut reconquérir le Paradis perdu par ses parents. Ce fut une des pierres précieuses du pectoral de Salomon, le "Urim et Thummim". Le Mage Simon la perdit contre Simon Pierre, qui la donna à Marc l’Évangéliste. Celui-ci ignorait que cette émeraude avait été donnée par Salomon à son architecte Hiram, en récompense de la construction du Temple de Dieu. C'est pour cette raison que l'émeraude était magique et qu'il y avait des caractères mystérieux gravés dessus : un message secret pour les initiés. Ces caractères, gravés comme des formules magiques, donnaient en réalité les indications pour retrouver l'un des trésors de Salomon et de la Reine de Saba. Ignorant tout cela, Marc partit en Égypte pour fonder l’Église d'Alexandrie, mais il fut étranglé par deux tueurs d'une secte gnostique, liée au Mage Simon, qui rapportèrent l'émeraude à Antioche. Plus tard, lorsque Basilide fut en possession de cette émeraude, il la transforma en gemme gnostique du genre Abrasax, et elle passa alors aux mains des hérétiques Caïnites, jusqu'à la conquête arabe d'Alexandrie en 641. Le chef arabe Amr ibn al-As donna l'émeraude à ses prêtres, qui en eurent la garde jusqu'au moment où deux commerçants vénitiens réussirent à s'en emparer, avec le corps de l'évangéliste Marc. Ils arrivèrent à Venise en 828. Puis on perdit la trace de la "Clavicule de Salomon", c'est-à-dire de l'émeraude magique... "(Wikipedia — https://fr.wikipedia.org/wiki/Caïnites)

samedi 16 décembre 2017

La Poésie ?

C'est un texte de chanson où se cacherait la musique...

Simoun



Je soufflais dans l'évent des plus grands cétacés,
dans les cordes tendues sur les arbres bronchiques,
et les voix d'outre-tombe étaient ma panacée
dans l'harmonie complexe où tout semble anarchique.

À chacun des couloirs est son étranglement
débouchant dans l'évier du bassin labyrinthe
où les hanches masquées d'ambitieux instruments,
jouent le fil mélodique où mes poumons s'éreintent.

En cessant d'embrasser d'absolues vocations,
j'ai laissé la paroles à des tons relatifs,
et j'en ouïs au passé l'obscure inspiration.

Je ne suis plus coupable et bien moins que fautif ;
un chemin s'est ouvert entre mes fondations.
Tout désert est porteur d'un mirage exhaustif.

jeudi 14 décembre 2017

Voilà qui me donne raison

Cela fait 1 mois 1/2 que j'ai quitté cette merde, on m'a dit que j'anticipais le mouvement des autres, et si c'était le cas ?
À lire/écouter absolument :

Les repentis de Facebook

L'apprentiss'âge



Les beautés mordorées des feuilles de l'automne
ont des mots la cambrure au vent qui les soulève,
et l'impression sépia d'un ancien scopitone
éveille en ma mémoire un vent mauvais élève.

Un fort mauvais sujet malgré sa majesté
posée sur le chevet des nuits que l'on dénoue
gordien, lorsque le temps scalpé, passé l'été,
noie son ambition fleuve au creux de nos genoux.

Plié, l'estampillé courrier du cœur moisi
s'est fait la malle et pire : il raconte une histoire
hantée par un fantôme aux sévices choisis,
conduisant les moutons du somme à l'abattoir.

Et l'automne hémophile alimente un vampire
accouché par le siège en égorgeant les jours ;
une amante aliénée ne vaut pas un empire,
un soleil en saignant m'apprend tout de l'amour.

On commence à mourir à la morte-saison,
lorsque les feux couverts indûment nous enivrent
avec un monoxyde et quelques déraisons
que le papier-carbone imprime en un mot : vivre.

Un mot fait de grands maux qu'il accumule en route,
et dont l'inéluctable et mortelle illusion
conduit tout un chacun sur les chemins du doute
où s'instille un cancer en deux, trois perfusions.

Si vivre est apprendre à souffrir en quelque sorte,
il est normal alors qu'on vieillisse en cynisme,
en regardant nos mues, continents qu'on emporte,
entre un jeune et un vieux le passage est un isthme.

lundi 11 décembre 2017

L'autre Tigre de Borges

"La proximité de la mer" est l'anthologie des poèmes traduits de Jorge Luis Borges au sein de laquelle je me plonge hasardeusement depuis plusieurs mois déjà.
J'y découvre avec étonnement, peu à peu, l'étrange identité littéraire avec mon écriture, où je puise un renforcement salvateur quant aux choix délibérément marginaux de cette dernière, à l'aune évidente instillée par les milieux intellectuels français, d'une poésie qui s'est coupée de son public.
À la découverte inopinée de son texte intitulé "L'autre tigre", il m'est apparu qu'outre une analogie de forme, il y avait dans la profondeur de cette métaphore une assez grande familiarité de pensée, voire un troublant mimétisme en l'utilisation d'un tel exemple — issu d'une lecture préalable en mon cas d'un essai de Barjavel.
Il en résulte au-delà de ma surprise, une conviction puissante animant ma revendication de cette ellipse à vrai dire incomprise, et malmenée par une insuffisante imagination chez ceux et celles usant d'un degré d'interprétation par trop prosaïque.
Afin d'illustrer mon propos, voici ce texte (ici traduit par l'excellente Alina Reyes) :

L'autre tigre

And the craft that createth a semblance
Morris, Sigurd the Volsung (1876)



Je pense à un tigre. La pénombre exalte

La vaste Bibliothèque laborieuse

Et semble éloigner les étagères ;

Fort, innocent, sanglant et nouveau,

Il ira par sa forêt et son matin

Et marquera sa trace dans la limoneuse

Rive d’un fleuve dont il ignore le nom

(Dans son monde il n’y a ni noms ni passé

Ni avenir, seulement un instant certain)

Et franchira les barbares distances

Et humera dans le labyrinthe tressé

Des odeurs l’odeur de l’aube

Et l’odeur délectable du gros gibier.

Entre les raies de bambou je déchiffre

Ses raies et pressens l’ossature,

Sous la peau splendide qui vibre.

En vain s’interposent les convexes

Mers et les déserts de la planète ;

Depuis cette maison d’un lointain port

D’Amérique du Sud, je te suis et te rêve,

Oh tigre des rives du Gange.

Le soir se répand dans mon âme et je réfléchis

Que le tigre vocatif de mon poème

Est un tigre de symboles et d’ombres,

Une série de tropes littéraires

Et de souvenirs de l’encyclopédie

Et non le tigre fatal, le funeste bijou

Qui, sous le soleil ou la lune variante,

Va, accomplissant à Sumatra ou au Bengale

Sa routine d’amour, de loisir et de mort.

Au tigre des symboles j’ai opposé

Le véritable, celui qui a le sang chaud,

Celui qui décime la tribu des buffles

Et aujourd’hui, 3 août 1959,

Allonge dans la prairie une ombre

Calme, mais déjà le fait de le nommer

Et de conjecturer sa condition

Le fait fiction de l’art et non vivante

Créature, de celles qui marchent par la terre.



Nous chercherons un troisième tigre. Celui-ci

Sera comme les autres une forme

De mon rêve, un système de mots

Humains et non le tigre vertébré

Qui, au-delà des mythologies,

Foule la terre. Je le sais bien, mais quelque chose

M’impose cette aventure indéfinie

Insensée et ancienne, et je persévère

À chercher tout le temps du soir

L’autre tigre, celui qui n’est pas dans le poème.


Jorge Luis Borges

(http://journal.alinareyes.net/2016/01/14/lautre-tigre-par-jorge-luis-borges-traduction-alina-reyes/)


dimanche 10 décembre 2017

Point de vue partagé


"Dans un poème ou dans un conte, le sens n'importe guère ; ce qui importe, c'est ce que créent dans l'esprit du lecteur telles ou telles paroles dites dans tel ordre ou selon telle cadence."

Jorge Luis Borges

Héroïne



Un être éclaboussant de sa lumière ambiante
un pan de ma rétine, est parvenu sans mal
à crever l'écheveau fourbu des fils d'amiante,
auquel il m'incombait d'en délier l'animal.

Et sous la roue bleutée du fond de ses ocelles,
où l'océan frémit du moindre souffle au cœur,
ondulait par instant le palpitant de celle
allant buvant le flot des vers qui font liqueur.

Au sérum inutile issu des sangs bouillis
par l'effusion subite ainsi des sentiments,
j'ajouterais la foi pour finir en bouillie.

J'ajouterais l'Amour extrait du jus d'amants
mis à l'amende douce avec mes gribouillis,
J'ajouterais l'éclat qu'il donne à mon roman.

lundi 4 décembre 2017

Quelques rappels d'usage

Salut tout le monde !
Je viens de publier deux nouvelles critiques ciné ici :
http://musicologis.blogspot.fr/
En effet, depuis mon blog principal d'où vous êtes en train de lire ces mots, vous pouvez accéder à ses périphériques, blogs dans lesquels je me laisse aller au gré d'écritures aux formes diverses et variées. Il suffit pour cela de cliquer sur l'un des liens figurant sous la liste "Mes autres mots, ailleurs" se trouvant dans la marge ci-contre

jeudi 30 novembre 2017

Le fantôme du placard






On peut bien faire un tour du monde
en cabossant d'autant Jul'Vernes,
on ramasse à l'appel immonde
un sacré tas de balivernes
à propos des façons de vivre
et de savoir se projeter
contre l'écran qui vous enivre
à force de vous en shooter.

J'ai ce fantôme en mon placard,
empêcheur de rêver en rond,
qui sans m'avoir filé rencart
a mis en boite de Ron-ron
tous les morceaux de mon sommeil
et le puzzle de mon passé
qui sonne comme un vieux réveil
aux Melody mal trépassées.

J'ai son regard en obsession
perdu dans un azur épais,
dans un espace en suspension
dont le présent repose en paix,
son disque et des fragmentations
de feu dans un verre d'eau lapée
sur le mur des lamentations
du temps qu'on ne peut rattraper.

Nul ne pourra la remplacer :
mon fantôme a ses avatars ;
et pourtant sans ses doigts glacés,
je me sens toujours en retard,
absent d'un futur harassé
par les confusions d'un tocard
abruti par les coups massés
contre les portes d'un placard.

On peut d'un tour de la question,
sans Carabosse et sans effet,
bien taire une autosuggestion
qui restât comme un vœu défait,
rien ne tuera l'émanation
des désirs qu'elle a suscités,
j'attends sa réincarnation,
sinon de la ressusciter.

lundi 27 novembre 2017

Une vraie vision lucide, argentine

"En poésie, les théories n'ont aucune importance ; ce qui est important c'est ce qu'on fait avec."
Jorge Luis Borges

vendredi 24 novembre 2017

Novembre




Lorsqu'on fait de Novembre un portrait réaliste 
Au pinceau comme au verbe —, on s'expose au soleil 
Intérieur irradiant des mourants fatalistes 
Illustrant nos propos de leurs teintes vermeil. 

Les beautés mordorées des feuilles de l'automne 
Ont des mots la cambrure au vent qui les soulève, 
Et l'écho de l'éclair aux éclats dont l'on tonne, 
Abat la démesure  naît la nouvelle Ève : 

Elle a de la lumière aux frimas tamisée, 
La froide exubérance et la moite attraction, 
L'inconstance du temps, sa mâchoire aiguisée. 

Ses quenottes jolies dont on fit notre action, 
De la bouche à la langue ont mangé les baisers 
Dont Novembre regorge à la moindre effraction. 


dimanche 19 novembre 2017

Liba(nisa)tions




À mon Grand-père Guy Gargadennec,

Conviés au Grand Autel où les intolérances
assimilées par l'ensemble infiniment dégorgent,
un par un refluent ceux dont les ingérences
ont tatoué — honte à tuer ! — les moutons qu'on égorge.

On a fait des repas d'un pays de Cocagne,
et des nécrophagies sont sortis tous ces vers ;
à chaque vie qu'on perd, un destin que l'on gagne
est écrit sur les peaux des charniers découverts.

Et l'état du levant, dépassée Terre enceinte,
interroge en ses rues tous les prénoms d'Allah,
ses espoirs avortés, ses racines d'absinthe
et l'or que la folie sabra et châtie là...

La tâche se répand comme un fut renversé
durant l'éclat de turbulentes libations,
sur un monde où, comme d'obnubilants versets,
résonne un air épais de libanisation.

samedi 18 novembre 2017

Comme la musique...

La poésie n'est que l'étincelle issue du heurt entre la brutalité générale et la beauté du monde.

jeudi 16 novembre 2017

A new place

Un nouvel endroit que je me dois de vous signaler :

lundi 13 novembre 2017

Tanka du 13 novembre


Arabesque hantée
Par un mirage aérien
Laissant décanter
Ses couleurs et l'Art de rien
Sur la grève incrémentée.

samedi 11 novembre 2017

L'éternel et l'instant




J'ai soudain l'encre amère
irriguant les stations
d'un métro métamère
en lente gestation.

Comme un vers s'y colore,
on le trompe dans l'air
étouffant qui s'honore
un peu d'Apollinaire.

On a laissé couler
cette encre où s'est noyé
le chant qui, roucoulé,
barbote, est larmoyé.

Des courbes de la Seine,
elle a sensualité ;
des phrases qu'elle assène,
un cours est alité.

Puis fleuve à ce point mort,
Un ennui coule, enjambe
Un vers qui soudain mord
Ses ponts à chaque jambe.

Un ennui noir, épais
comme un vieux roman russe,
un bout de « Guerre et paix »
surgi de papyrus.

Au quai de la Rapée,
le métro s'aérant
se fait par l'Art happer
tel un forçat errant.

Mais cosmopolitain,
le vieil azur blafard
endosse en son latin
des quartiers nénuphars.

On a pris pour sachet
l'étui de mes lotus,
mais sachez-le, sachez :
mes mots sont des motus.

Un étui pour estuaire
où les moins bons périrent
et les meilleurs se tuèrent :
un delta pour sourire.

On traînasse en cherchant
du passé quelques traces,
un regard aguichant
que ces endroits retracent.

Et les ponts de Paris
symbolisant le temps,
de leur arche apparient
l'éternel et l'instant.

vendredi 10 novembre 2017

Tanka du 10 novembre


J'ai dédicacé
La flaque du dieu Mercure
Aux vains pieds cassés
Des poésies qui n'ont cure
En rien des mers cuirassées.

mercredi 8 novembre 2017

Tanka du 8 novembre


L'ombilic des limbes
Est venu superposer
Son placenta d'eau
Sur le ventre amer que nimbe
Une hémorragie céleste.

mardi 7 novembre 2017

Tanka du 6 novembre


D'un liseré d'or
L'horizon s'est festonné
Lentement s'endort
Un littoral étonné
Par cet étroit corridor.

vendredi 3 novembre 2017

Tanka du 3 novembre



L'étale est létale
Ô Mer, odyssée virtuelle
Au-delà de l'île
Où l'on supplicia Tantale
Avec un espoir actuel.

Irish writers




Si de langue irlandais nous fûmes en ça peint,
L'anglais fermé pourtant fit nos panoramiques
extraits, térébenthine en tête, en galopant
vers les couchers écrus sur les pins atlantiques.

Incidemment complice, un sang nous mélangeâmes
à l'encre délétère au bout de l'occident
gâté par l'ouragan cumulé de nos âmes,
et par l'ardent brasier tout écrit de nos dons.

C'est ainsi, crépitants, que nous vous les crachons
depuis les temps perdus par des siècles de pluie,
les versets abreuvés par l'incessant crachin.

Nous avons ce fantôme à chacun qui depuis,
psalmodie les langueurs hantées par nos chants,
récite au Dieu Brouillard un poème alléchant.

jeudi 2 novembre 2017

Aphorisme proustiphile

Nous sommes les fabuleux poucets semant des pierres blanches au gré de nos géographies, puis les remontant pour enfin trouver la conscience de l'existence au cœur de notre temps perdu.

mercredi 1 novembre 2017

Tanka du premier novembre 17



Sur une mer d'huile
On a tâché de repeindre
Entre ardoise et tuile
Un bleu blanc rouge érectile
Où chaque feu peut déteindre.


samedi 28 octobre 2017

L'agonie poétique




Des pans de cathédrale ont chu sur le ciment
du temps contemporain ; sans accord ni personne,
il enjambe leur reste et passe en son segment,
tel un bout d'entrelacs, tel un serpent qui sonne.

Arrivé jusqu'au cœur de l'église du Verbe
intemporel, il s'efface au profit du rejet
de tout dogme et des fleurs du poète dont l'herbe
enfumée rejaillit par les joints outragés.

Sur l'autel on commet les derniers sacrifices
(au nom d'impair impropre ou d'épiée catastrophe)
au nom d'esprits malsains qu'endossait l'art du fils
en brisant le respect des rigueurs de la strophe.

On célèbre en pleurant les vestiges d'un culte
affaibli par le poids de ses prêtres maudits,
des friches sont données en pâture aux incultes
et rien n'est retenu de ces pauvres mots dits.

La Prose a corrompu la plupart des adeptes
enivrés par les flots des vapeurs de l'encens,
découlant d'une veine où le mètre est inepte,
ils sont dans l'esclavage assumé bien-pensant.

La Poésie n'est plus qu'une déesse morte,
et les rimes perdues par sa dérive lente
ont l'âcre arrière-goût d'une langue qu'emporte
un torrent s’abîmant dans des eaux turbulentes.

lundi 23 octobre 2017

Post-Poétique




Nous fîmes des éclats de sons
les bribes de nos vers brisés,
les sanglots longs de nos chansons
que le Poète a méprisées

       — imbu de même
                         et reprisant
                                  le tabac froid
                                           du nihilisme
      — il dit qu'il m'aime
                    et qu'à présent
                                 cède à l'effroi
                                          l'infantilisme.

Il clame que la Poésie
s'est d'un coup désarticulée,
que le Grand Soir en parousie
s'est tout autant émasculé,

     que le grand Sens
                        a disparu
                             dans le chaos
                                      du millénaire
    et que l'essence
             où l'Art des rues
                              l'a mis K.O.
                                     coule en binaire.

Ère est venue — Post-poétique —
où l'on reprend au Modernisme
un par un ses lambeaux pratiques
en notre nouveau machinisme.

On dilacère un nerf à vif
afin de s'en servir de corde,
et des violons ainsi votifs
nous joueront un air qui s'accorde

     au grand marasme
                      incandescent
                                 mondialisé
                                      qui nous enserre,
    à force d'asthme
                     et d'indécents
                               non-dialysés
                                        que l'on enferre.

Aux orties les idées reçues
de nulle autre part que d'eux-mêmes !
Aux orties le triste aperçu
dont ils dégradaient le Poème ;

    on gonflera
              d'éther acide
                     et d'airs caustiques
                                  une baudruche,
    et l'opéra
            de son suicide
                            en dialectique
                                  à toute autruche.

Or, on ne lit Maïakovski
qu'en oubliant le cyrillique
et l'escalier dont n'est exquis
Que son écho parabolique.

Aux assis qui n'ont rien compris
de la révolte rimbaldienne,
ayez nos textes mal-appris
pour votre ineptie quotidienne !

dimanche 15 octobre 2017

Éphélides




À Alexandra Gillet,

La beauté d'un regard échappe aux traits du peintre,
éclatant de l'éclair où la clef là furtive,
éclabousse un long vers étranglé comme un cintre,
et palpite en la main qui du vol est fautive.

Et sans Elle on rempote à la plante des pieds,
l'inflorescence issue des pulsions amoureuses ;
on essaime à tout vent les doux mots tant épiés
qu'on célèbre à leurs sons des portées douloureuses.

On s'emporte, on navigue en aveugle ébahi,
le bleu-roi de ses yeux nous permet de l'écrire,
or on aime autant moins que l'on est plus haï.

Tout résonne, et les murs ont l'écho de son rire ;
un sourire est reflet du regard au-dessus
— mon poème appris dit ses éphélides sues.

mercredi 4 octobre 2017

Hors-la-loi




J'étrennai dans les bas fonds
de quelques rues Morgue
un splendide faux-plafond
d'où pendait l'âme-orgue
essoufflée par ses pédales
et ses vieux tuyaux
pourris jusqu'aux amygdales
— échancrés boyaux !

Afin de les tordre
ainsi qu'un torchon de table,
on mit prêt à mordre
un porc issu de l'étable
où sans s'assurer
de sa multiplication,
Dieu vint susurrer :
« C'est de la fornication ! »

Ce fut ainsi qu'il retint
— Wonderbra vengeur —
un sacrificateur hautain,
pâle et vendangeur
des vignes du tout puissant
dans leur hôtel borgne...

On songe en passant
du rire aux larmes qu'on lorgne,
à ces sans-soucis
qui dictent leur bon aloi,
froncent les sourcils,
crachent sur nous, hors-la-loi.

dimanche 1 octobre 2017

Continents




J'en ai connu des continents à la dérive,
au point parfois d'en affronter la subduction,
sans pour autant qu'on n'ait tiré de ces deux rives
une embouchure en lèvre ourlée par la diction.

La boutonnière ainsi fleurie par le langage
a tressailli — ventre de flamme — au ceint esprit
comme une citadelle ; un joyau que l'on gage
est desserti de cet écrin, c'en est le prix !

Puisqu'on avorte alors au gré des collisions,
de son ego que le rejet par la fenêtre
a su démanteler tandis qu'il voulait naître,

on se contente avec un brin de collusion,
de s'imiter entre forçats qu'on dessine et
tous prisonniers de leur exil enraciné.

vendredi 29 septembre 2017

Pygmée




En essuyant de ma vareuse
un coin de ma narine nationale
un peu comme on colle une photo
dans un album de souvenirs
J'essuyai les grains passés avec les couleurs
les douleurs
les humiliations
les torpeurs cataclysmiques
auxquelles on promet cent ans de sommeil
aux bois verts de cerfs-volant
dont on fait des pipes à casser,
J'essuyai les plâtres esquissés
par les sculptrices de mon existence
auxquelles en me soumettant
bien plus qu'elles à ma main — Pygmalion
d'enfer (Rochereuil) —
il m'advenait de perdre mes modèles à suivre.
On est bien moins qu'un faiseur de tour
à pots cassés
lorsque l'ostracisme
a raison de vos racines
et vous a mis à pied de biche
en s'introduisant par effraction
dans les recoins de votre cerveau
dans votre intimité miteuse
et dans votre grenier créatif où peignent les araignées
d'un pinceau du temps qui dérobe les cheveux des hommes,
Lorsque les vents sont des râteaux
de merlans frits par la patrouille
à dix-sept ans
(les yeux dans l'potache)
d'huile
à défaut de terre glaise
à défaut d'amour et d'inspiration
bouche pleine de promesses absconses
en essuyant de ma vareuse
une commissure d'Elles
obsédantes ainsi que la Vie qui nous échappe
ainsi que le cinéma primitif où notre existence existe
entre deux images et sur le côté de la pellicule
un peu comme une bande son
comme une bande de cons mais à soi tout seul.
Le Pygmalion est mort ce soir.
Et pas le Capitaine !
Un capitaine est un cavalier céphalophore :
on la lui coupe — autant la chique, autant la tête —
et sous le bras s'en fait la grande aisselle
et le ménage qu'il prétend
dans les vestiges des assiettes cassées,
Car nous sommes chacun des civilisations
dont certaines sont effondrées
mais dont la splendeur des ruines n'autorise pourtant
personne à les saccager !
Regardez le Monde et ses turpitudes :
il ressemble à ses petites fourmis humaines
un peu comme une fractale
invariance d'échelle
chaos
jeunesse (« les tilleuls sentent bon sur la promenade »)
mûrissement
sénescence
(saine essence)
pourrissement
(« la forme et l'essence divine de nos amours décomposés »)
La Poésie verse une eau claire au creux d'un bénitier païen
pour célébrer ses prédictions
tandis que vivant de diction
Le tigre a tué son pygmée lion
La griffe a déchiré les petits papiers-cul
sur l'autel de la déréliction
de l'amour de ce que l'on croit beau
sur un démon ceint Michel
et sur l'abandon des prétentions tyranniques.
La vie devient belle en cessant de la violer.

mardi 19 septembre 2017

Nihilisme




Ne plus rêver, ne croire en rien,
ne plus penser ni désirer,
le grand marasme vénérien
s'est imposé, Dies Irae !
Mais dans le ventre adultérin
de ma maison mise aux arrêts,
j'ai su forger l'anneau d'airain
brisant la chaîne où son Art est.

Ne plus sculpter les effigies
des dieux humains mondialisés,
sachant leur fin car ici gît
l'anneau des reins non dialysés,
ne plus conclure à la vigie
la trajectoire à mépriser,
ni l'incroyable hémiplégie
qui nous conduit à tout briser.

Ne plus céder au moindre espoir
et cesser là de s'en bercer !
S'imaginer c'est comme boire :
on est comme un panier percé
qui, bonne pomme ou pauvre poire,
aura bon dos sous des versets
— tant qu'on s'attend à nos déboires —
aura bon dos d'en reverser.

Le Titanic
         est notre état
                       de société,
                            nous coulons sûr
et la panique
          en petits tas,
                         à satiété,
                                 sa moisissure.
Le nihilisme
        est de rigueur
                 et de coutume
                        lorsque l'on sombre.
Un fatalisme
      et son aigreur
              ont son costume
                           empli des ombres.

Ne plus générer de projets,
ni de vastes fumisteries
dont l'on rature un premier jet,
puis que l'on jette et dont on rit ;
ne plus mentir et sans objet,
se fondre en des épiceries
qui sont la ruine des gadjé
d'un Monde en sa carrosserie.

jeudi 7 septembre 2017

The indian summer's air



When fall the autumn's leaves
I could sing your beauty
But their melody leaves
In a red unity
The branch of common tree
Relapsing on your hair
Blowing in Poetry
The indian summer's air.


jeudi 24 août 2017

Némésis




L'Amour est un objet qui comme une oasis
a fait claquer du bec une belle indolente.
Que serais-tu sans moi ma belle Némésis ?
Beethoven est la tombe aux lubies insolentes.

Et sa musique alors, infiltre un cœur usé,
sa mélodie tourmente un esprit sans issue,
ce qui me fit t'écrire un meurtre assez rusé,
n'est pas le doux baiser qu'en retour on reçut.

L'Amour est un objet dont les bords contondants
sont l'horrible massue d'un rivage accessible
aux naufragés de vies de demains qu'en tendant,

l'Amour ignore et mène à l'extrême impossible
où tout se fond enfin dans ton simple sourire :
il vaut mieux en pleurer mais parfois même en rire.

mercredi 16 août 2017

Ce que que je n'ai pas pu te dire




À Manu',


C'est comme un métro que l'on rate
et qu'on ne rattrape jamais,
ce sentiment qu'on nous pirate
au gré de ceux que l'on aimait,
partis tôt pour d'autres rivages
à la rame inepte à prédire,
avec les maux de nos ravages
et que je n'ai pas pu te dire.

Il y avait quelques rancœurs
écrivant des vers à déboires,
et les battements de nos cœurs
— il ne m'en reste aucun pourboire —
assourdissants par le passé :
nous deux trop aimés, mal aimant,
perdant le nord et dépassés,
nous nous aimions, apparemment...

Le feu de la fureur de vivre
est un buveur impénitent
de mots dont parfois l'on s'enivre,
et ceux que nous vole le temps,
nous regrettons de les écrire
alors que le froid de l'absence
instille un vin que vient aigrir
une amère idée de non-sens.

Alors, il me reste un espoir
assez vain mais pourtant réel :
entendrais-tu le vent du soir
ainsi qu'il est au Cap Fréhel ?
Entendrais-tu du Cotentin
les marées venant s'y maudire,
et des rochers de mon destin
ce que que je n'ai pas pu te dire.

dimanche 13 août 2017

Heather Heyer






Heather Heyer avait des tâches de rousseur
et trente-deux chandelles afin de m'allumer ;
l'espoir est si fragile en emportant nos sœurs
— on voudrait les garder pour pouvoir les aimer.

Si la belle abhorrait le fascisme et l'obscur,
un noir était un homme à ses yeux de noisette,
et le combat de l'Être était sa sinécure
où l'on se glorifie d'échapper aux gazettes.

Heather Heyer était possédée des idées
grâce auxquelles on avance en notre triste monde,
et pourtant ce lui fut un bloody saturday.

Lorsque l'on ose heurter de plein fouet l'être immonde,
il faut craindre à son tour un des crocs de la bête
et ses légions de dents qui sont analphabètes.

vendredi 11 août 2017

Un rêve éveillé




Le Poème est un rêve éveillé
qui navigue au-dessus des flots lourds
où le verbe humain coule enrayé
par ce bruit dégoûtant qui rend sourd.

Il est franc mais lucide, et sans fards,
il nous semble insensé mais pourtant
cohérent sur ses mots, comme un phare
allumé par des feux importants !

Le poème au brasier s'est dédié
— l'hérétique a compris sa mission :
reportant les non-dits sine die,
rien n'amène à sa compromission.

Le Poème est un fou sans raisons,
sans calculs et sans plus d'ambitions
que sa simple et très belle oraison,
le Poème est sans ces conditions !

Si parfois ses contours un peu flous
vont prédire un présent surveillé,
le Poème est un dit que l'on floue,
le Poème est un rêve éveillé.

vendredi 4 août 2017

La séance




Je l'ai matée durant deux heures
illuminée par cet écran,
J'avais ma dose et sans doseur,
elle était devant moi d'un rang.

Le film éclairait la beauté
que j'avais su lui reconnaître
avant qu'un hasard m'eût ôté
quelque amour qui commence à naître.

Et fasciné par son profil
ainsi bleuté par les images,
il me semblait perdre le fil
et l'intégrer dans leur grammage.

Elle inclinait son frais visage
aux vagues des séquences vues,
je regardais ce paysage
arrière au trois-quarts imprévu.

Ses doigts délicats se posaient
parfois sur sa joue, fructifiaient,
ses doigts sans bague éternisaient
la projection s'intensifiait.

Soudain sur le dos de sa main,
posant son menton cap-hornier,
j'eus la vision de lendemains
sur l'océan qu'on ne peut nier.

Sur l'océan de ses courbures
et sur la houle à la frontière
où frange infiniment l'épure
associable au trois-quarts un tiers...

Et puis s'en vint le générique :
on aime, on vit, parfois l'on feint
se faisant des films hystériques
et l'on perd toujours à la fin.

jeudi 3 août 2017

Le tango désargenté






À mi-chemin de la station San Isidro,
de la station Martinez, on a vu deux Lunes :
on avait probablement bu quelque peu trop...
Buenos-Aires est asphixiante, auto-immune.

Une étoile est si rare à votre image ici
qu'on se contente assez du reflet des deux Lunes.
Alors que votre face est une prophétie
qui m'est à l'autre un mieux indépendant à l'une.

Et cachée d'aspirine, il faut vous ranimer,
vous la projection de mon rêve où tout est mu
de façon désarticulée par l'être aimé.

« Tangue haut, marin ! », me disait-on, disait émue
l'ange déchue de moi, déchue, désargentée,
dans notre danse misérable et de beauté.

mardi 1 août 2017

Amphibie


Je conçois mon esprit comme un être amphibie,
tantôt dans la rivière au fil de l'eau qui passe,
ou bien dans des forêts qu'on transforme en phobies ;
son regard est celui d'un grand oiseau rapace.

Il est plein d'une absence et quoique on le rapièce,
un grand vide aquatique au fond de ses abysses
attise un feu barbare enfermé dans la pièce
où brûle un peu d'encens, beaucoup de cannabis.

Il flotte ainsi sans force en son liquide espace,
entre deux eaux — dit-on — flasque, informe et languide,
en cet instant mutique il est sans carapace.

Alors soudainement, sans qu'on le téléguide,
il quitte son milieu puis sa peau cet habit :
comme la salamandre il est l'être amphibie.

samedi 29 juillet 2017

Cariatide



On se retourne en vieillissant
sur l'éclat doux de ces jeunesses
et sur le semblant saisissant
de leur vie dont on eût l'aînesse.

On reconnait dans la clarté
d'un bleu regard où l'on se noie,
celui que le temps d'écarter
sans cesse a pris le soin sournois.

Mais ce miroir est déformant :
notre image en ressort cassée ;
ne serait-ce en s'y conformant,
le tain blême est pour tracasser.

Le train plaît mais pour voyager
dans le passé, c'est peu probant,
lorsque sans doute trop âgé
pour voir, on s'assied sur un banc.

Regarder les regards fuyant
sur les rails de l'indifférence,
et les sentiments défaillant
d'un temps faisant ses différences.

Il faut accepter sans broncher
cette fracture ouverte au cœur,
et savoir aussi débrancher
la prise où le lâcher t'écœure...

Il ne faut pas que l'Atlantide
— ou Mü — soit base ni soutien,
quant aux divines cariatides...
Ève est de marbre, on le sait bien !

Ne reste plus que la distance
à poser en plancher flottant
sur ce qu'il reste d'existence
et ce qu'il reste d'existant.

lundi 17 juillet 2017

Cerf-volant



La main coupée d'un serf volant
justifie-t-elle un tel poème ?
Et de ce monde sans volant,
n'est-il qu'un semblant de bohème ?

Il m'a fallu kilométrer
le désamour de mes prochains
pour mesurer le gras du trait
qui salissait de son crachin
le moindre effet de ses attraits,
le pire instant de ces machins
qu'on sert à nos administrés
comme un Éden aux haschichins.

J'ai sur l'échine un gros insecte.
Il pose sur ma peau ses griffes
— or, je ne suis d'aucune secte
et mes vertèbres apocryphes.

Il m'a fallu kilogrammer
les résidus de nos poussières,
et réciter l'anagramme et
l'autre formule où l'âme haussière
est soumise aux lois du marché,
est soumise à ses devancières,
est tributaire à Beaumarchais,
ce Génie plénipotentiaire.

Et secouant mon vieux T-shirt,
elle est tombée la bête noire.
Inoffensive (un rien nous heurte),
un dos c'est comme un laminoir...

Il m'a fallu kilo-octets
pour ne pas rendre copie blanche,
et forcément de hoqueter,
savamment savonner la planche.
Un cerf-volant qui m'inquiétait,
soudain dans le ciel bleu s’enclenche ;
il porte en lui cette quiétée
dont j'ai perdu la clef, la clanche.

En regardant l'insecte énorme
en bas tombé mais si splendide,
est née ma haine de la norme
et ma passion pour son morbide.

vendredi 7 juillet 2017

Saturne



De mes amours mathématiques
et mes amours irrésolues,
mes équations emblématiques
ont votre parfum dévolu.

Je vous lisais sur une abaque
à la façon d'un vent coquin
qui m'aurait fait rater le bac'
à tel point nous ne faisions qu'un...

Couvertes d'un drapé sanguin
Vos courbes fluides et légères
Emplissaient de leur jeu sans gain
L'improbabilité d'où j'erre.

Et dans cet infini confus
d'où vous narguiez ma poésie,
je ne sais plus ce que je fus :
vous l'inconnue, moi l'hérésie.

Je compulsais des théorèmes
aux creux jumeaux de vos deux reins,
mais laconique on alors aime
(on confondait l'or et l'airain).

Dans l'univers de nos deux sphères
on respirait nos paramètres,
et dans cette intime atmosphère
un esclave était bien un maître.

Exponentielle est ma passion
pour votre paradis perdu ;
parfois, la branche que nous scions
nous coupe aussi du temps vendu.

De mes amours mathématiques
et mes amours irrésolues,
mes équations emblématiques
ont votre parfum dévolu.

Nous avons quitté la planète
un soir d'été, de fiançailles ;
il vous allait comme aux lunettes,
un astre aux anneaux en broussaille...

Et dans cet infini confus
d'où vous narguiez ma poésie,
je ne sais plus ce que je fus :
vous l'inconnue, moi l'hérésie.

vendredi 23 juin 2017

La Béatrice



© Natalia Kovachevski
https://lunamodel.book.fr/


Chaque cercle est à l'Enfer une porte
Et l'on franchit aisément ses paliers ;
Que je vous aimasse ou que peur importe,
Il est évident que je suis à lier.

Vous êtes la détentrice ingénue
Des clefs de Saint-Tuf qui me cadenassent,
Et quand je vois Béatrice ainsi nue,
Mon idée calque, erre en elle ainsi nasse !

En elle ainsi passe — onde magnétique
Où l'eau-forte est un effet surprenant —
Le courant d'un Styx hypothétique,
Imbu d'un talent d'agile apprenant.

Vous étiez la Dame inscrite en mes rêves,
Aussi de mes cauchemars une reine,
Il m'a fallu dans l'Enfer où je crève,
Aller vous chercher pour que je comprenne :

En elle aussi court un air fait des mots
Qu'Orphée mon secours aurait pris de lyre,
Et que Rodin pris de glaise et d'émaux,
Façonnerait encore en mon délire.

En elle un sang s'écoule et mon Léthé
Vient se tarir en son sein parfait ;
Tout ce qui n'est plus mais chez Vous l'était,
Tout ce qui n'est plus à faire est fait.

Vous serez belle aux yeux de vos amants
Mais plus à ceux de mes tristes soupirs...
En chaque huître on cherche une perle, on ment,
Mais vous aimer, c'est le meilleur empire.

mercredi 21 juin 2017

Cybérienne






J'ai vendangé des morts aux fins d'un bon sang d'encre
où l'écheveau garçon, récitait son Pater,
on n'est pas périlleux quand on est comme un cancre
et qu'on se sert de l'autre en broutant son parterre.

On n'est pas méritoire en laissant la dérive
aux mains des justiciers qui ne comprennent rien,
dont la barque alourdie par le poids des deux rives
empêche à la parole un voyage aérien.

J'ai sous les blés blessés d'anonymes récoltes
engrangé les ferments de ma littérature,
et compté sur tes dents le barillet du Colt
où ton sourire explose, et c'est sa signature !

On n'est pas courageux lorsque l'on se contente
à brosser des portraits sans l'éclat de tes yeux,
sans la révolution ni la guerre latente
où l'amour apparaît tel une Vierge aux cieux...

J'ai pris la décision de partir avec vous
sur la route inconnue du désert cybérien,
rien ne vaut l'un à l'autre à ce point qu'on dévoue
le tutoiement de l'âme aux bouquets vénériens.

Vous avez dans l'iris un reflet de l'Oural
et dans vos hésitations, quelque chemin de fer ;
On voudrait s'oublier comme on perd à l'oral
une façon de dire, une façon de faire.

mercredi 14 juin 2017

Emmanuel






Sur le doigt de Saint-Jean-Baptiste,
une larme réprobatrice
écoule son sourire autiste
et ses façons d'institutrice...

Il me dirait ce qu'il est bon,
ce qui relève enfin du mythe ;
ou ce qui fait qu'on fait des bonds
dans des impulsions sodomites ?

Et d'un doigt l'attrait péremptoire
où — présidant la République —
on oublie comme au réfectoire,
indéfini le vieux schmilblick...

Ô Jupiter, en tes cieux bleus
comme un Dollar impressionné,
je vois sans issue ce qu'il pleut
de tes soins non-conventionnés.

L'eau coule et les pigeons roucoulent
un doigt tendu signe à l'azur
un chèque en blanc dont l'encre coule ;
aux droits la Gauche offre une usure.

Ébahissant les oliphants,
d'aucuns vont sonner l'hallali,
mais pourtant si l'on s'en défend,
pour moi le dessus c'est la lie.

La France a perdu sa musique
et tous ses chants de patriotes ;
elle a des barreaux amnésiques
en guise de bureaux de votes.

Elle a la chiasse aux papillons
qu'on lui cocarde sur les yeux,
la vérité d'un goupillon
dans un mensonge fallacieux.