mercredi 31 mai 2017

Bruges (republication d'un texte de 2009)



J'abrège un peu, disant "j'ai Bruges
en mémoire, aux canaux gelés",
laissant figés ses bateaux-luges
attendant le premier janvier.
Et s'il fallait du vermifuge
pour les tirer encor du nez,
les souvenirs sont des transfuges
au bras d'amours abandonnées.

J'abroge un peu, disant "j'ébrèche
les vers que j'ai mis au service
des comblements de nos deux brèches
entre nos yeux, quoique ils les vissent...
Et s'il fallait qu'on soit moins rêches
à reprocher à l'un ses vices,
à l'autre sa passion trop fraîche,
sauvons l'or que les ans ravissent !

L'or d'un sourire à la volée,
deux mains serrées comme un refuge,
le diamant d'un baiser volé,
la phrase "après nous le déluge",
en quête d'arches de Noé,
une autre, "évitons les grabuges",
mais on finit le cœur blessé
sous les façades d'un froid Bruges.

samedi 20 mai 2017

La chanson du désir



Du cuivre obscur où glisse un geste à peine alacre,
on retient de ta nuque où frise ta coiffure,
impression miroitante, enroulement de nacre,
un coquillage offert aux gentilles griffures.

Enroulement de nacre, entortillant ta bouche
ornée du cramoisi d'une fraise écrasée
par tes baisers sans fard d'où cette langue accouche,
il chante ta beauté de désir irisée.

D'où cette langue accouche à ton sexe insoumise,
un peu comme à tes yeux mon regard assouvi,
fenêtre ouverte, azur pénétrant ma chemise
en reniflant ton buste aux courbes qui dévient.

Pénétrant ma chemise en forçant ses verrous
de tes doigts musicaux dont je suis à portée,
qui décompose à deux notre chair et vers où
tout nous porte à nous croire en des dieux importés.

Notre chaire est vers où sont posés sur tes hanches,
ainsi qu'en un plein-cintre autant de contreforts
arque-boutés sur toi, les flèches des dimanches
engraissés de matins mutins mais sans efforts.

L'Elf' lèche du dit manche, une sève nouvelle,
et l'éphélide — oiseau de l'aile de ton nez —
sifflote en reniflant de ce qu'on dénivelle
en ton chemin de dame, échec abandonné.

De ceux qu'on dénie vêle un ventre féminin,
et tes sourcils en sabre ont coupé le cordon
d'un monde où s'aliéner mène à finir en Un,
tandis qu'en deux, d'aimer nos corps sont d'heureux dons.

vendredi 5 mai 2017

L'Harmonie



C'est lorsque l'Art me nie que je retrouve un goût
certain pour l'Harmonie qui m'entoure en ces champs,
dans le bocage en fleur énorme, et tout à coup,
bien au sud de Barfleur, on y rêve en marchant.

Bien au nord de la Loire, un miroir hésitant
qui dormait comme un loir gît jusqu'au bout,
peuple de son image un grand vide existant,
de son fort allumage un feu froid dont je boue.

C'est l'envers d'un décor où sa robe en rideau
lève un secret du corps où mes vers échouèrent,
où mon verbe tatoue toutes ses courbes d'eau,
son courant n'a d'atout que sa fontaine où j'erre...

Or courir est inepte aux lucides cerveaux :
je ne sais quel adepte aurait pu de la chair
absorber les parties, digérer les morceaux,
sans qu'on ait départi ce qui m'est le plus cher !

J'ai gardé de sa cuisse une douceur austère
et de la soie qui bruisse un froissement subtil,
il me faut de tout bois faire un feu de ces stères
et de ce que je bois un élixir utile.

Il me faut partager sa beauté délétère
et vous faire engranger ses bruissements de cils,
il n'est de paille à l'œil autrement qu'en sa terre
et foin de blanche feuille : on n'écrit qu'ustensiles...

On n'écrit qu'en ayant mesuré qu'on en crève,
et que ces yeux brillants sur des champs d'asphodèles,
en fait ne divaguant qu'en rivages de rêves,
alimentent l'onguent des pensées infidèles.

On s'en masse, on s'amasse, on en rime sans trêve.
Elle ? Un nuage en masse a le ciel autour d'Elle.
Une vie souvent longue est alors pourtant brève,
et de la vague oblongue engloutit les ridelles.