samedi 29 juillet 2017

Cariatide



On se retourne en vieillissant
sur l'éclat doux de ces jeunesses
et sur le semblant saisissant
de leur vie dont on eût l'aînesse.

On reconnait dans la clarté
d'un bleu regard où l'on se noie,
celui que le temps d'écarter
sans cesse a pris le soin sournois.

Mais ce miroir est déformant :
notre image en ressort cassée ;
ne serait-ce en s'y conformant,
le tain blême est pour tracasser.

Le train plaît mais pour voyager
dans le passé, c'est peu probant,
lorsque sans doute trop âgé
pour voir, on s'assied sur un banc.

Regarder les regards fuyant
sur les rails de l'indifférence,
et les sentiments défaillant
d'un temps faisant ses différences.

Il faut accepter sans broncher
cette fracture ouverte au cœur,
et savoir aussi débrancher
la prise où le lâcher t'écœure...

Il ne faut pas que l'Atlantide
— ou Mü — soit base ni soutien,
quant aux divines cariatides...
Ève est de marbre, on le sait bien !

Ne reste plus que la distance
à poser en plancher flottant
sur ce qu'il reste d'existence
et ce qu'il reste d'existant.

lundi 17 juillet 2017

Cerf-volant



La main coupée d'un serf volant
justifie-t-elle un tel poème ?
Et de ce monde sans volant,
n'est-il qu'un semblant de bohème ?

Il m'a fallu kilométrer
le désamour de mes prochains
pour mesurer le gras du trait
qui salissait de son crachin
le moindre effet de ses attraits,
le pire instant de ces machins
qu'on sert à nos administrés
comme un Éden aux haschichins.

J'ai sur l'échine un gros insecte.
Il pose sur ma peau ses griffes
— or, je ne suis d'aucune secte
et mes vertèbres apocryphes.

Il m'a fallu kilogrammer
les résidus de nos poussières,
et réciter l'anagramme et
l'autre formule où l'âme haussière
est soumise aux lois du marché,
est soumise à ses devancières,
est tributaire à Beaumarchais,
ce Génie plénipotentiaire.

Et secouant mon vieux T-shirt,
elle est tombée la bête noire.
Inoffensive (un rien nous heurte),
un dos c'est comme un laminoir...

Il m'a fallu kilo-octets
pour ne pas rendre copie blanche,
et forcément de hoqueter,
savamment savonner la planche.
Un cerf-volant qui m'inquiétait,
soudain dans le ciel bleu s’enclenche ;
il porte en lui cette quiétée
dont j'ai perdu la clef, la clanche.

En regardant l'insecte énorme
en bas tombé mais si splendide,
est née ma haine de la norme
et ma passion pour son morbide.

vendredi 7 juillet 2017

Saturne



De mes amours mathématiques
et mes amours irrésolues,
mes équations emblématiques
ont votre parfum dévolu.

Je vous lisais sur une abaque
à la façon d'un vent coquin
qui m'aurait fait rater le bac'
à tel point nous ne faisions qu'un...

Couvertes d'un drapé sanguin
Vos courbes fluides et légères
Emplissaient de leur jeu sans gain
L'improbabilité d'où j'erre.

Et dans cet infini confus
d'où vous narguiez ma poésie,
je ne sais plus ce que je fus :
vous l'inconnue, moi l'hérésie.

Je compulsais des théorèmes
aux creux jumeaux de vos deux reins,
mais laconique on alors aime
(on confondait l'or et l'airain).

Dans l'univers de nos deux sphères
on respirait nos paramètres,
et dans cette intime atmosphère
un esclave était bien un maître.

Exponentielle est ma passion
pour votre paradis perdu ;
parfois, la branche que nous scions
nous coupe aussi du temps vendu.

De mes amours mathématiques
et mes amours irrésolues,
mes équations emblématiques
ont votre parfum dévolu.

Nous avons quitté la planète
un soir d'été, de fiançailles ;
il vous allait comme aux lunettes,
un astre aux anneaux en broussaille...

Et dans cet infini confus
d'où vous narguiez ma poésie,
je ne sais plus ce que je fus :
vous l'inconnue, moi l'hérésie.