L'amour absolu n'existerait qu'en
dehors
de la carapace exiguë de nos
frontières,
et l'ailleurs aurait le goût d'un
quelconque Tiers-
Monde incongru dont les baisers
vaudraient de l'or ?
En Russie s'ils sont bons, ma salive et
mon encre
ont trop peu de réserve à les nourrir
d'espoir,
à moins qu'un jour, entre le fromage
et la poire,
on serve ce dessert en oubliant ses
chancres.
En Amérique, à perdre mon latin, je
cherche
en vain l'écho Nord-Sud incontinent
qui coule
à la façon d'un Titanic où l'on
roucoule
une passion morbide et qui nous tend la
perche.
En Afrique aussi, mes poursuites
rimbaldiennes
hériteraient d'une abyssine aux yeux
de chat,
tandis que le Négus aurait pour mon
rachat
la belle jambe amputée d'un vers,
saoudienne ?
En religion comme en amour, il faut
mentir
et s'inventer de nouveaux horizons
possibles,
afin que ceux perdus, que l'on avait
pour cibles,
existassent encore à la fin du partir.
Aux chinoiseries que je laisserai
là-bas,
mon Amour — où que tu sois — je me
dévouerai
pour imaginer les mots qui te
décriraient
sans l'artifice indicible où je me
débats.
Suffirait-il d'échoir aux nationalités
pour oublier que notre rencontre est
future ?
Et que si tout reste et que pourtant
rien ne dure,
un paradoxe est le miroir de ta
beauté ?
L'amour absolu — ce prétexte
littéraire —
est un pourvoyeur de chemins à
parcourir,
or, si tant est qu'on veuille un jour
en discourir,
un prétexte est un moyen dispensé
d'horaires.
Alors, il me reste évidemment tes yeux
verts
à dépeindre avec un sirop de mon
cerveau
fertile, avec un peu de ce qui équivaut
sans doute, à la gouache exclusive de
mes vers.