mardi 27 février 2018

Étrangère




L'amour absolu n'existerait qu'en dehors
de la carapace exiguë de nos frontières,
et l'ailleurs aurait le goût d'un quelconque Tiers-
Monde incongru dont les baisers vaudraient de l'or ?

En Russie s'ils sont bons, ma salive et mon encre
ont trop peu de réserve à les nourrir d'espoir,
à moins qu'un jour, entre le fromage et la poire,
on serve ce dessert en oubliant ses chancres.

En Amérique, à perdre mon latin, je cherche
en vain l'écho Nord-Sud incontinent qui coule
à la façon d'un Titanic où l'on roucoule
une passion morbide et qui nous tend la perche.

En Afrique aussi, mes poursuites rimbaldiennes
hériteraient d'une abyssine aux yeux de chat,
tandis que le Négus aurait pour mon rachat
la belle jambe amputée d'un vers, saoudienne ?

En religion comme en amour, il faut mentir
et s'inventer de nouveaux horizons possibles,
afin que ceux perdus, que l'on avait pour cibles,
existassent encore à la fin du partir.

Aux chinoiseries que je laisserai là-bas,
mon Amour — où que tu sois — je me dévouerai
pour imaginer les mots qui te décriraient
sans l'artifice indicible où je me débats.

Suffirait-il d'échoir aux nationalités
pour oublier que notre rencontre est future ?
Et que si tout reste et que pourtant rien ne dure,
un paradoxe est le miroir de ta beauté ?

L'amour absolu — ce prétexte littéraire —
est un pourvoyeur de chemins à parcourir,
or, si tant est qu'on veuille un jour en discourir,
un prétexte est un moyen dispensé d'horaires.

Alors, il me reste évidemment tes yeux verts
à dépeindre avec un sirop de mon cerveau
fertile, avec un peu de ce qui équivaut
sans doute, à la gouache exclusive de mes vers.

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